dimanche 22 octobre 2017

Périple YAKRO/ BKO, by bus.


J’avais décidé qu’une fois terminée la conférence, j’irais à Bamako suivre les quelques petits projets que j’essaie d’y mener. Et ce serait en bus, vus les tarifs par avion, prohibitifs comme dans toute la région. 25 000 CFA contre plus de 250$ pour les « low cost » aériens, autour de 400 pour les compagnies établies, ya pas photo. Ca pose une vraie question d’ailleurs. Pourquoi si cher ? Sur des distances comparables (et la distance au final compte peu), on voyage pour moins de 100€ sur les lignes intérieures nigérianes, ou en Afrique de l’Est. Où est l’erreur ? Manque de compétitivité des compagnies, ou étranglement par les taxes et droits ? Et nul qui proteste et fait pression, tant parmi ceux qui prennent l’avion rares sont ceux qui payent de leurs deniers, et pour les autres, l’avion appartient à un autre monde. Fin de la digression.
Notre itinéraire, en violet.
Je m’étais donc renseigné. Le bus quitterait Yamoussoukro le matin à 5h, et on me promettait une arrivée possible à 22h. Le temps ne me manquait pas. Billet payé, place réservée, on m’avait bien sermonné d’être à l’heure, et – service personnalisé – on m’a même appelé à 4h15 pour me demander si j’étais en route, ou pour vérifier que je m’étais bien réveillé. La gare routière baignait encore dans la torpeur du halo de brume que peinaient à traverser les lampadaires. Mon arrivée a créé un début d’agitation, et soulagé de l’impatience. Apparemment on n’attendait que moi, seul passager à embarquer semblait-il. Sur les bancs devant le minuscule bureau de la compagnie les silhouettes s’ébrouent. On enregistre mon bagage et me voilà placé sur un des rares sièges qui restent mais bien devant, entre un gars peu loquace et un jeune qui part à Kankan, en Guinée, enterrer son père. Ce sera un bon compagnon.

Une idée de l'ambiance autour de l'arrêt du bus, vers 5h.
On démarre donc, et avant l’heure. J’apprendrai qu’en fait le bus a quitté Abidjan à 22h la veille, et a passé la nuit à Yamoussoukro. Seulement pour m’attendre ? Trop d’honneur, je ne pense pas. Et j’aurais pu tout aussi bien partir à 1 ou 2h du matin, si on m’avait dit. Plutôt je crois pour le timing des étapes suivantes. Mais on comprend que les passagers aient eu hâte. Ca ne faisait que commencer.

Première halte, tout juste à la sortie de Yakro, sitôt terminée la vaste avenue à deux fois trois voies, et que commence la longue petite route vers le nord. Barrage. Herses et barre à pointes sur roues. Quelques personnes autour, de vagues uniformes. Un homme en postures d’autorité s’affaire, fait fermer la voie. Le jeune contrôleur du bus (le « conductor » ou « spanner boy », en Afrique anglophone, le gars à tout faire, pour toute situation, une fois les billets vérifiés) descend et va de l’un à l’autre, revient, parle au chauffeur, repart. Le barrage se lève, accord a été trouvé, certainement élevé, on peut vraiment partir.
Plus loin, sur la route, il y aura une dizaine d’autres points de contrôle, qu’on passe parfois sans s’arrêter, ou à peine, le temps que le chauffeur tende la main à l’uniforme qui s’approche.

Il est à peine plus de 7h quand on arrive à Bouaké. Tout est humide d’un crachin maussade, dans le petit jour blême. Le bus se gare dans un méchant espace clos de parpaings. Tout le monde descend. Le sol est boueux, flaques, gravats piétinés. Ca grouille autour du bus, à grands cris, pour charger des tas de ballots et les esquicher dans les soutes, à grands coups de tatanes. Toute proche, une rangée de petites vendeuses – surtout des femmes – qui proposent sodas, sacs à dos, parfums, viande grillée, un brouet léger de céréales bien chaud, qui a grand succès, des sandwiches aussi, où dans une demi-baguette bien blanche on entasse force victuailles diverses. Je cherche mon bonheur, à cette heure de la journée. Mais d’abord les toilettes. On me les montre, au fond. Plus que rudimentaires. Trois
Ajouter le crachin, un sol défoncé trempé
cubicules à ciel ouvert, un trou carré dans le béton, une porte qui a du mal à fermer. Ca fera. Je jette ensuite mon dévolu sur une grosse dame qui fait des beignets fort appétissants. Quatre feront du bien. 80 CFA, 12 centimes d’Euro. Ce travail n’est pas rémunéré. Mais je voulais boire quelque chose de chaud, et ne trouvais rien aux alentours. Mon voisin guinéen aussi d’ailleurs. On demande, et on nous désigne, un peu plus bas, à une centaine de mètres, une gargote. Le bus ne partira pas de sitôt, on y va. Bingo ! Sous un auvent, au milieu d’un comptoir où on peut s’asseoir, un gars manie ses machines. Bouilloire et petit percolateur. Nescafé ou expresso ? Ca ne se discute pas. Avec les gestes d’un barista italien, il vide d’un coup sec le réceptacle, remplit de poudre, fait couler. Délicieux café. Très bonne initiative commerciale, l’expresso de rue ! J’en avais déjà vu un, et dégusté, dans un petit kiosque à Abidjan.

Malgré cette bonne surprise, je ne peux m’empêcher de comparer avec le transport par bus en Afrique de l’Est, sur toutes les routes que j’y ai prises. Ici chaque compagnie fait arrêt à son propre espace, situé chaque fois au profond de la ville, ce qui oblige à des détours par des ruelles (Korhogo, Sikasso) parfois totalement défoncées comme à Bougouni. Et pour aboutir à des lieux où rien n’est prévu pour le passager, sauf un ou deux maigres tabliers. Et ça dure des heures. Là-bas, les arrêts se font le long de la route, sur des espaces spécifiques aménagés – souvent couplés à des stations-services – des magasins, de la restauration (locale, et de qualité), des toilettes décentes, et tout un car est servi, a consommé, est reparti en 15-20mn. Rien à voir. La raison m’échappe.

Il est déjà presque 8h30 quand on quitte Bouaké. Le ruban de goudron défile, avec pas mal de nids de poule qui font zigzaguer le bus. Somnolence, lecture, bavardages. Mon voisin est donc Guinéen. Mais né en Côte d’Ivoire. Son père s’y était établi jeune, avait travaillé, et fini par posséder un atelier de mécanique florissant, plus machines qu’autos, et lui y travaille encore, avec ses frères. Le père, arrivé à la retraite, s’est retiré à Kankan, après tant d’années. Je lui pose la question de la nationalité. Il se dit spontanément guinéen. Devenir Ivoirien ? la question ne se pose même pas, ça ne se fait pas. Ces pratiques si restrictives, ce refus du droit du sol, un peu partout d’ailleurs, me laissent perplexe. Etranger, toujours, ad vitam aeternam, et ça semble naturel. Ca interroge aussi d’ailleurs sur l’acquisition de la nationalité, chez nous. Comment est-ce vécu ? Intériorisé ?

Le bus ressemblait à quelque chose comme ça
Entre temps, drame. A peine sortis de Bouaké, alors que j’avais prévu de bien m’en servir en chemin, voilà mon téléphone bloqué. J’avais bien reçu la veille après-midi, un dimanche, un avis me demandant de passer dans une boutique Orange pour m’identifier, faute de quoi la ligne serait suspendue. Surpris d’abord : j’avais acheté ma SIM à l’aéroport, on avait bien enregistré mon passeport, quoi de plus ?? Je m’étais dit ensuite que je ne pouvais rien faire un dimanche, ni le lundi dans le bus, mais qu’ils me laisseraient bien le temps de passer la frontière. Eh bien non, suspendu d’office, illico presto ! Et le message disait : aller dans une
La route, longue, peu fréquentée, nids-de-poule en plus
boutique, ou appeler tel numéro, le service clientèle. Sauf que quand j’ai fait le numéro, c’était la même rengaine : celui là non plus n’était pas accessible avec ma ligne. Malchance, mon Guinéen était à court de crédit. On avait traversé Korhogo sans s’arrêter, donc sans qu’il puisse en acheter. Je fais appel à un jeune contrôleur, pas le même, un autre, dès que je le vois cesser d’être fixé à son smartphone, et il me le passe gentiment. Je fais le numéro indiqué. Ca sonne 36 fois, sans décrocher. Avant que le réseau disparaisse. On recommence. J’obtiens finalement quelqu’un en ligne, et le temps de commencer à expliquer, hors zone de couverture. J’ai fini par renoncer. Mais écœuré par les méthodes d’Orange. Pas la première fois, au Mali aussi. Visiblement, l’attention au client, la culture de service n’est pas leur fort. Ce n’est pas lui le roi. Ca reste à l’ancienne, on mène à la trique, autoritairement. Même dans les grandes entreprises du privé. Au final, je ferai mes appels de la frontière, avec ma SIM du Mali. Mais j’ai perdu tout le crédit restant, et les Mo aussi.

Et nous voilà à Ferkessédougou, dont j’ignorais même l’existence. Et là stupeur ! Une bourgade sympathique, à un croisement de routes, comme plusieurs traversées jusque là, mais des avenues immenses, doubles voies, lampadaires tout du long. La verdoyance de la végétation en moins, c’est un autre Yamoussoukro. Je m’étonne et comprends vite. C’est le pays de Guillaume Soro.
Démesure, surdimensionnement, gabegie. Quel impact économique ces trois ou quatre kilomètres ?
Les travaux sont depuis quasi achevés, c'est encore plus somptueux.
Mais voir aussi, au loin, la route "normale" qui reprend.
avant que reprenne, sitôt les dernières maisons, la petite route défoncée – moins que plus au sud, il est vrai, mais quand même. Rares sont les portions où le bus peut prendre une vitesse de croisière. Combien d’enfants éduqués avec les sommes dépensées à des autoroutes urbaines (faudrait plutôt dire bourgaines) où circulent de rares véhicules ?

D’ailleurs, une autre chose me frappe : le peu de circulation, finalement, sur cet axe quand même majeur, qui relie Yamoussoukro aux villes du nord, et au-delà au Mali. Une voie internationale. Or, des camions, certes, avec leurs containers, quelques bus, mais très peu de véhicules plus légers, de voitures particulières. Celles-ci n’apparaissent qu’en pénétrant dans les agglomérations. On ne se déplace pas. Peu d’échanges. D’activité en fait. Là encore le contraste est frappant avec l’Afrique de l’Est. Ou le Nigéria.

Mais on approche de la frontière. Il est près de 17h. Les barrages d’ailleurs se sont faits plus rapprochés. Un des jeunes contrôleurs se lève et s’adresse aux passagers. En substance, on a le choix. Soit on se cotise, et le passage ne sera qu’une formalité, soit … ça va prendre des heures car les douaniers vont tout contrôler, ouvrir tous les bagages, je vous dis pas. En gros, il faudrait dans les 200 000 pour être bien tranquilles. Ca fait gros, en effet ! Je ne sais pas d’où il sort ce chiffre. Réel ?
La zone frontière ressemble un peu à ça.
Beaucoup de va-et-vient, d'activité d'agitation :
gens qui passent, petits vendeurs, "assistants", moto-taxis, etc..
Gonflé pour prendre leur part eux aussi, après tout ? J’observe. Les réactions dans le bus sont houleuses. Ca rechigne. Certains de dire qu’ils n’ont pas de bagages, et ne voient pas pourquoi ils paieraient. Les autres de soutenir que c’est l’intérêt commun d’en finir vite, et que chacun doit contribuer. Une bonne partie de la discussion m’échappe, faute d’entendre, ou de comprendre la langue. Quand le collecteur passe, je donne 2000, ce qui me semble une côte mal taillée entre les principes, mon unique valise, mon étrangeté, et le souhait de me fondre dans le groupe. Pas de remarque.

La frontière. Tout le monde descend. On prend les pièces d’identité au sortir du bus. Moi, avec mon passeport, on me dit d’aller vers la droite, tandis que les autres s’agglutinent devant une petite bâtisse. Mon passeport mettra du temps à revenir, mais l’officier affable enregistrera soigneusement les informations dans un grand livre, avant de me le rendre tamponné. Il y a encore du temps avant que c’en soit fini pour les autres, appelés un à un. Apparemment, me dira mon ami guinéen, on demande 1000 chacun, et c’est bon. Mais paraît-il, les Mauritaniens, c’est 5000. Allez savoir pourquoi ! Les petits marchands assaillent. Cartes SIM et crédit téléphonique, changeurs d’argent (qui change quoi, entre deux pays de la zone CFA ?), eau fraîche, quelques grignotages. Pendant ce temps, le personnel du bus – ils sont au moins cinq, dont deux chauffeurs – est attablé devant un gros plat de riz sauce graine. Ils ont leur coin, réservé. Rien de tel pour les passagers. On réembarque pour aller de l’autre côté, malien. Même topo, ramassage des pièces, regroupement et appel nominal, obole. Moi, on se contente de me tamponner. Je n’ai pas eu droit au même accueil qu’à mon précédent passage, voilà trois ans, quelques mois après l’intervention française. On m’avait fait asseoir dans un fauteuil, l’officier en personne était venu s’occuper de moi, et me dire la gratitude pour les avoir préservé de l’invasion djihadiste. Touchant.
Ensuite, le passeport tamponné, il faut aller rejoindre les autres et le bus, stationné sur l’aire des douanes. Quand j’arrive, les portes des soutes sont relevées, un douanier bien en chair, entouré d’un essaim de passagers, inspecte vaguement, désigne de sa baguette, ça discute, bruits de voix au loin. Je
Le poste frontière
prends soin de ne pas m’approcher ni d’entrer dans le champ de vision, pour pas donner envie de s’intéresser à ma valise. Mais le tour continue, lent et tout en postures. Sans s’intéresser à moi. On attend après encore vingt bonnes minutes occupées à je ne sais quoi (négociations ? ) avant d’embarquer, et au bout d’un moment encore repartir. La nuit est tombée, nous entrons au Mali.
Pour s’arrêter très peu après : un lieu au bord de la route où abondent petits marchands de tas de choses. Faut se reposer et se restaurer. J’achète pour 200CFA je crois de viande fumée coupée menu, très savoureuse. De l’eau fraîche, un peu de thé. Je cause avec d’autres passagers, sympathique. Mais l’heure tourne, le temps passe, se perd.

Etape suivante, après deux barrages et contrôle des papiers, Sikasso. Le bus se fraie un chemin au cœur de la ville et parvient à manœuvrer au millimètre pour se garer dans la cour de la compagnie. Et là c’est l’effervescence. On débarque une très grande partie des colis chargés à Bouaké – en grand nombre, et on comprend mieux les termes du débat sur la « cotisation ». En effet, pourquoi ne fait-on pas payer, au départ, un supplément par bagage, pour les frais « en route » ? Les passagers avec qui j’avais fait causette nous quittent aussi : ils s’arrêtent là pour prendre un autre bus vers Mopti. Bonne route ! Et on repart, déjà presque 22h.

Nouvel arrêt, à l’entrée de Bougouni. Un barrage. Une partie du staff descend. Et on attend, le temps passe, plus d’une demi-heure, rien ne bouge. Calme plat, dans la nuit bien avancée. Je m’impatiente et demande. C’est la douane. On discute. Et ça dure encore. Tout à coup, les gens reviennent, démarrage, ça repart. Pas pour longtemps car dans Bougouni voilà qu’on quitte la route pour s’enfoncer par un chemin défoncé – le bus brinquebale, a des hoquets, nous secoue de droite et de gauche – tout ça pour atteindre l’arrêt de la compagnie. Encore 20mn d’arrêt. Pourquoi ? nul ou presque ne semble être descendu, ni monté, mais bon…

Tous ou presque sommeillions, le bus allait bon train, sur le dernier tronçon vers Bamako, quand grande secousse : le bus venait de prendre un profond nid de poule à vive allure, et allait bientôt s’immobiliser, un pneu crevé. Il était déjà près d’une heure du matin. On descend tous et dans la nuit fraîche on se répartit le long de la route bordée de hautes herbes. Les « spanner boys »(le nom est bien mérité) s’affairent, entourés d’un groupe d’observateurs bruyants, qui conseillent. Quelques véhicules, camions, bus, passent, de temps à autre. Le cric est installé, la roue crevée démontée, la roue de secours est amenée mais, enfer et damnation ! quand on la présente, le bus n’est pas assez soulevé pour qu’elle puisse se loger. Les voix autour s’amplifient, chacun doit y aller de son conseil, de son yaka. Un camion finit par s’arrêter. Discussion. Un autre cric est installé, tandis que le camion est déjà reparti. La roue installée, on repart.


Un ou deux arrêts pour contrôles rapides encore, et nous voilà arrivés à Bamako. Il est plus de 3h du matin. Fatigue et un peu d’énervement. Mon voisin guinéen décide d’attendre 6h pour continuer vers Kankan. Je prends un taxi pour rejoindre la chambre que j’avais pu retenir. Heureusement, on peut y arriver à toute heure.

lundi 16 octobre 2017

La Légende de Yambo

J'avais écrit ça après ma vaine tentative de le rencontrer, en décembre 2013.
Et voilà qu'il n'est plus. Reste ... 

Publié par Le Point Afrique le 31 mai 2018 ( lien) )

LA LEGENDE DE YAMBO

Le ruban de bitume file vers le nord, devant nous, qui resterons là presque deux jours, à regarder passer camions et voitures. Non loin, l’embranchement en a laissé partir d’autres, vers Mopti, ou vers le pays dogon et le Burkina. Assis sous l’ombre éparse d’acacias, dans des fauteuils 60s, bas, tout de fils plastiques tendus, nous attendons. La théière chauffe sur ses braises. Amis, connaissances passent, s’arrêtent, discutent. Chacun, en sirotant son verre de thé, a son histoire sur Ouologuem, qui habite à quelque cinquante mètres de là.

Dans les années 60
Son prix Renaudot en 1968 lui avait valu la notoriété, mais aussi l’hostilité sourde de l’intelligentsia africaine d’après les Indépendances, dont Le Devoir de Violence sapait les bases idéologiques. La polémique sur ses plagiats, après la plainte de Graham Green, l’a atteint en plein vol. Crash, acharnement, lynchage. Il a disparu.

On me dit qu’il vit seul, avec sa femme malienne et les enfants qu’il a eus d’elle. Déjà grands. Il sort peu, mais quand même tous les jours. Surtout pour aller sur la tombe de sa mère. T’inquiète, il va venir, tu pourras le voir.

Sévaré, à quelques kilomètres de Mopti l’antique. Le bourg prolifère à partir du carrefour, boutiques et maisons basses sans cachet, décor de Far West. Là est sa villa, derrière un portail bien rouillé.

Le lycée de Bandiagara, la capitale des Dogons, porte son nom. Il aurait refusé, d’abord, mais un camarade serait venu lui dire « Si tu ne veux pas qu’il porte ton nom, ils n’ont qu’à lui donner le mien ! – Va donner ton nom chez toi, pas ici ! » C’était un Bosso, un parent de plaisanterie des Dogon. On peut tout se dire entre parents de plaisanterie. Il a fallu accepter.

J’avais déjà, quatre mois auparavant, dépêché une ambassade, un ami qui allait à un mariage à Mopti, et que j’avais chargé de préparer le terrain d’une rencontre, d’un entretien, « to pay my respects », l’expression serait à prendre au pied de la lettre par cet angliciste distingué. Cela n’avait rien donné, malgré l’entremise de l’épouse, qui avait fait bon accueil. Il ne veut voir personne, parler à personne d’étranger, surtout pas de Blanc. Par hasard, un autre ami de Bamako, à qui je parlais de ma déconvenue, me dit que son frère, qui habite Sévaré, connaît bien Ouologuem, que celui-ci lui rend souvent visite, qu’il m’aiderait à le rencontrer. Je décide d’y aller.

On me dit qu’il est très pieux, qu’il jeûne tous les jours, sauf les jours de fête, qu’il passe son temps en prières, toujours plongé dans les livres saints.

Les voitures passent, les camions, vers le Nord. Un convoi de 5 ou 6 semi-remorques, chargés de gros conteneurs blancs immaculés, frappés du sigle UN. Tiens, ils s’installent ceux-là ! Ils sont venus pour rester !

On me dit que quand il est revenu il était obèse, difforme, qu’il pouvait à peine marcher. On me dit qu’il est revenu enchaîné et que c’est moi qui ai soigné les blessures causées par les liens. On me dit que c’est son père qui est allé le chercher à Bamako, et l’a ramené au village, au cœur du pays dogon. On me dit que pendant des mois, des années, il l’a soigné, avec la médecine traditionnelle, l’a forcé à marcher et marcher encore, 5 km par jour, on me dit, du côté de Bandiagara, jusqu’à ce qu’il retrouve son corps, et sa tête. Qu’il se reconstruise, qu’il puisse vivre à nouveau. Au moins une partie de sa tête.

On me dit que quand il sort et vient te voir, dans ses amples vêtements d’étoffe dogon tissée main, armé d’un long bâton, il est toujours ronchon, exigeant. Demande un service, veut que ta femme lui serve ceci ou cela, critique toujours quelque chose, ce qui est moderne, dans la maison. Et gare si tu ne t’exécutes pas ! Il peut se fâcher et ne plus revenir pendant des mois. Mais comment refuser à ce grand aîné ? Il commande le respect.

Je lui avais fait passer mon travail sur Le Devoir de Violence. J’y reprends les plagiats de Greene et de Schwarz-Bart, plus un autre passage repris de Another Country, de Baldwin, que j’avais découvert par hasard. J’y analyse la structure du roman comme le parcours de la littérature universelle, en tout cas occidentale, du récit mythique à l’épopée, puis au roman, pour aboutir au théâtre symbolique, ou de l’absurde. J’y montrais comment les « plagiats » réécrivent les textes, les déconstruisent pour en faire ressortir la vérité, qu’ils ne sont pas copie mais lecture et re-création. J’avais intitulé mon travail L’Intertextualité dans « Le Devoir de Violence », comme on disait en ces temps de sémiotique.

Il y a deux fous dans ce quartier de Sévaré. L’un, jeune et nu sauf d’un pantalon en lambeaux, va et vient le long de la route, fouille ou fourrage ça et là avec un bâton, sous notre regard indifférent, tout au long du jour. Il ne s’approchera pas pour le thé, on ne lui en proposera pas non plus. L’autre est plus âgé, vêtu strictement en veston élimé, une serviette noire sous le bras, look instit rigoureux. Il suivra précisément, les deux jours, le rituel qu’on m’avait décrit d’avance. Il arrive à 11h précises, salue de loin ceux qui sommes assis autour du thé et va sous un certain arbre à peu de distance. Il pose sa serviette, balaie un petit espace, s’y plante debout, tourné vers la route, coudes au corps, mains ouvertes paumes vers le ciel. Il prie. Puis ramasse sa serviette et repart. Quotidiennement.
On me dit de Ouologuem qu’il a mauvais caractère. Souvent il frappe de son bâton. Mais il est intéressant, on me dit. Souvent dans ses conversations on ne s’aperçoit même pas qu’il est fou.

Mon guide, le frère de mon ami, qui a conseillé cette approche (on s’assoit à proximité, et on attend sa sortie pour l’aborder) est allé aux nouvelles. Il ne se sentirait pas très bien, il est en prière, pas sûr qu’il sorte de sitôt. On va manger un tiep dans un maquis proche, avant de reprendre notre attente.

On me dit que sa mère avait de l’influence sur lui. La seule, peut-être. Qu’il lui obéissait et suivait ses conseils. Quand elle est morte, il est resté près d’elle, et a refusé qu’on emmène le corps, plusieurs jours durant. Il voulait l’enterrer là. Il a fallu le subterfuge de son meilleur ami, qui l’a attiré à l’écart au prétexte de lui dire quelque chose, pour qu’on puisse retirer le cadavre et l’ensevelir. Il en veut depuis à mort à son ami. Et très souvent il va sur la tombe de sa mère, où il s’est fait construire un petit abri. Il n’est pas rare qu’il y passe la nuit.

On me dit qu’il ne veut plus entendre parler de son roman. Qu’il renie son œuvre. Il dit même que ce n’est pas moi qui ai écrit ça. Rejet d’un monde, d’une époque, d’un lui. Reconstruction autour d’une identité dogon, de la tradition, de l’authenticité. Enfermement protecteur.

On m’a dit qu’il est toujours invité aux Rencontres Etonnants Voyageurs, à Bamako. Il serait venu une fois, aurait rôdé dans les allées du Festival, et s’en serait retourné, sans parler, sans participer. Tout peut se lire, dans ce geste.

A une époque où la doxa négro- et pan-africaine imposait l’immanence d’une âme noire, et la vision d’une Afrique idéale que serait venue corrompre et détruire un extérieur colonisant, Ouologuem a dit des sociétés africaines de classes, où des aristocraties imposaient leur domination et exploitaient des masses qui travaillaient pour elles, souvent esclaves. En bref, des sociétés comme les autres. Humaines, trop humaines. 

Ouologuem a dit que ces aristocraties avaient réussi à sortir souvent presque indemnes de la colonisation, se jouant parfois du colonisateur, et, s’étant refait une virginité, se retrouvaient avec un pouvoir intact de manipulation dans les nouveaux jeunes Etats d’après 1960. Ainsi les victimes sont moins les Africains que, en Afrique comme ailleurs et toujours, la « négraille », et celle-ci, aurait dit Jean Genêt, n’a pas forcément de couleur.

C’était prendre à contre-pied toute l’intelligentsia noire d’alors, invalider tout leur discours, leur ôter leur gagne-pain. On m’a dit, à Bamako, la haine qu’avait exprimé pour Ouologuem la veuve d’un des plus grands romanciers africains de l’époque, qui n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer le traître et le vendu. Des années après, des paroles toujours assassines. Ouologuem avait été si seul alors, à tenir un discours contre cette bien-pensance. Seul, fors peut-être Kourouma, et son Soleil des Indépendances ; et Kourouma avait dû se taire pendant 20 ans avant de republier. Un discours dont on mesure aujourd’hui toute la pertinence, mais inaudible alors.

Depuis, j’ai retrouvé plusieurs autres reprises, dans Le Devoir de Violence. Internet aide bien. Du Maupassant, plusieurs. Du Flaubert. D’autres encore, de la Genèse aux Mille et Une Nuits, en passant pas des contes de Toscane. Plusieurs autres passages du roman ne peuvent pas ne pas avoir été empruntés : certaines tournures, certains détails le crient. Mais je n’ai pu identifier les origines. Internet a du bon, mais est impuissant, par exemple, lors qu’il s’agit de passages traduits. Il faudrait lancer un appel aux lecteurs polyglottes pour repérer les textes où Ouologuem est allé butiner. Car dès lors, Le Devoir de Violence devient le roman où on parle de l’Afrique dans ce qu’elle a de plus spécifique avec des matériaux de la littérature mondiale. Tour de force, défi inouï, et pied-de-nez à Senghor !

Sous les neems, l'attente, à quelques mètres du portail rouillé de sa maison
Il faut relire Le Devoir de Violence. 50 ans après, quelle analyse, quelle clairvoyance ! Ouologuem, le premier des justes, pour paraphraser le titre de Schwarz-Bart où il est allé puiser. On y parle même d’un Islam radicalisé, manipulé par des puissants qui appellent au djihad pour conserver leur pouvoir dans une société en mutation qui pourrait leur échapper. En 1968.

On me dit qu’il n’accepte, pour se soigner, que la pharmacopée traditionnelle. Qu’il n’a pas de téléphone, bien entendu, alors quand il a besoin il emprunte votre portable. On me dit qu’il demande souvent des rames de papier. C’est bien pour en faire quelque chose, non ?

Le jour commence à faiblir. Le thé jette ses derniers feux. Du bruit du côté du portail. Mon guide se lève d’un bond. Viens, c’est lui qui sort ! Je me lève aussi et suis, à quelque distance. Le portail s’est entrouvert et une grande silhouette brune, aux cheveux blancs, un bâton à la main, s’engage dans l’entrebâillement. Il m’aperçoit, et esquisse un mouvement de retrait, disparaît. Je m’arrête net. Mon guide est déjà là-bas, avec d’autres de notre groupe, et ceux qui sortaient de la maison. Ouologuem revient sur le seuil, ça discute. Je ne bouge pas et attends qu’on m’invite à m’approcher. On est venu me rejoindre. Présentations. L’un des grands jeunes gens est fils de Ouologuem. Avec des amis. On parle, je leur explique ce que je suis venu faire, le motif de ma démarche. Je leur montre la copie de mon travail sur Le Devoir de Violence. Ils feuillettent, tandis que je surveille du coin de l’œil ce qui se passe vers le portail. Comme par hasard, ils tombent sur le passage où est citée la scène d’amour torride entre Tambira et Kassoumi, reprise de Baldwin. Ils se montrent le texte, avec des coups de coudes, et gloussent. « C’est lui qui a écrit ça ? Quand on pense à tous les reproches qu’il nous fait, maintenant, à propos de rien du tout ! » Sait-il que son père a écrit sous pseudo un roman érotique, Les Mille et une Bibles du Sexe ? Entre temps la discussion vers le portail s’était achevée. Ouologuem était rentré, il avait renoncé à sa promenade – et refusé de me voir.

Je reviendrai le lendemain matin, pour attendre encore une hypothétique sortie. On me dit, au bout d’un moment, qu’il est très occupé à lire, et à dessiner des constellations. Il aura compris, ou on l’aura informé, que je fais encore le pied de grue, et ne sortira pas. Mieux vaut laisser à son univers cette intelligence foudroyée.


lundi 5 juin 2017

Démocratie en Afrique et égalité


Je réagis ici à la note de blog très intéressante de Jean-Louis SAGOT-DUVAUROUX intitulée "GUERIR DE LA DEMOCRATIE  ou GUERIR LA DEMOCRATIE" qui répondait lui-même à une tribune du  Pr. ISSA N’DIAYE parue dans MALI ACTU.

Bonjour Jean-Louis
Je te remercie d’avoir attiré notre attention sur ta note de blog, qui partageait déjà tes réactions à la tribune de ce Professeur , et tes vues sur la question de la démocratie en Afrique.
De cette tribune, tu me permettras de ne pas dire grand-chose. J’y ai lu surtout un agglomérat d’a priori largement répétés et d’idées en kit qui traînent dans les médias. Je comprends tes précautions rhétoriques et ta révérence institutionnelle, et tes efforts pour donner un contenu à certaines des idées qui la sous-tendent. Mais ta note elle-même d’abord m’a pas mal appris sur une région et une culture politique ancienne que je connais peu, dans la cadre d’une analyse que je partage volontiers (hormis l’antépénultième paragraphe, dont quelques phrases tombent à mon goût dans les travers que je viens de dénoncer à l’instant).

Outre les rappels que tu fais, fort pertinents, de ce Serment du Manden qui est en effet un texte passionnant, j’ai particulièrement aimé l’observation que tu fais sur les façons de saluer :
«  En Occident, l’individu se représente d’abord comme une monade autonome, comme égal à tous les autres, engagé vis à vis d’eux par des formes génériques de civilité : bonjour Monsieur, bonjour Madame. En Afrique de l’Ouest, l’individu s’affirme d’abord à travers un écheveau de liens spécifiques qui le singularisent et lui confèrent une place distincte dans le bon fonctionnement de la communauté. Ainsi, on se salue en invocant le nom de lignage, le jamu de son interlocuteur : i Jara ! i Kanté, appel à l’histoire de ce nom et aux relations qu’il entretient avec les autres. On se désigne aussi en spécifiant un lien d’âge qui implique chaque fois des formes particulières de civilité : bonjour mon frère, ma sœur, maman, mon fils… »
J’ajouterai qu’on est souvent dans le paradoxe. Notre « Monsieur, Madame », qui vaut largement pour toute personne, quelque soit le lien hormis peut-être pour qui n’est pas adulte, trouve son origine dans une formule d’hommage : on reconnaît l’autre comme son seigneur. Mais cela s’est trouvé vidé de ce contenu, et reconnaît l’autre comme pur individu, à l’instar de soi. Son égal. De la même façon, « mon frère », ou « Papa », etc. inventent le plus souvent un lien de parenté inexistant, mais ce faisant posent le type de relation dans lequel l’interlocuteur entend se situer. Le plus souvent hiérarchisée.

Au-delà de l’anecdote, on touche là je crois à un symptôme fort. Notre culture politique trouve son fondement dans la notion d’égalité à travers le concept de citoyen. Celui-ci, en tant qu’être politique, se trouve délivré, le 4 août, de toute allégeance. Mieux, se trouve interdit de toute allégeance, celles-ci (familiales, communautaires, corporatistes, religieuses, etc.) se trouvant renvoyées dans la sphère du privé ou de l’intime, du choix personnel. Le citoyen est un être libre (exempt de tout lien) et ainsi égal à tout autre citoyen. Bien sûr, il s’agit là d’une construction théorique, abstraite, bien en phase avec le mode de pensée des Lumières  qui l’a produite. Bien sûr, l’être réel dans lequel le citoyen s’incarne est de fait traversé d’affiliations, d’appartenances culturelles, idéologiques, de milieux professionnels, de sensibilités politiques, de traditions. L’égalité, dans nos sociétés, est un horizon, un but à atteindre pour certains. Elle est loin d’être réalisée, actualisée. Disons qu’elle est posée structurellement, a priori, et qu’il s’agit de rapprocher, ou non, la pratique de la théorie.
De mon expérience de vie en Afrique, à côtoyer de près beaucoup d’Africains (ce n’est pas forcément la même chose), il m’est apparu, à ma grande surprise ethnocentrique, et avec le temps qu’il m’a fallu pour prendre toute la mesure de la chose, que les sociétés y sont essentiellement inégalitaires. Je ne parle pas de disparité des richesses, de l’oppression des pouvoirs, mais, comme tu le soulignes, de la représentation de soi et de son monde relationnel. Je n’y mets aucun jugement de valeur. Il ne s’agit pas d’un défaut, d’un manque, d’un retard, d’une imperfection. Il faut le penser comme une problématique autre, un système de pensée différent, un changement de base, pour prendre une métaphore mathématique. Dès lors qu’on entre en relation avec quelqu’un, au-delà du pur fonctionnel « moderne » (et encore), on noue ou on se trouve noué dans un type de relation asymétrique, qui a ses codes, ses règles, ses droits et ses devoirs, ses obligations et ses bénéfices, etc. Don et contre-don. Allégeance et protection. Responsable et obligé (1). L’inégalité n’est pas nécessairement synonyme d’oppression, ou d’exploitation (non exclues pour autant). Elle organise autour de chacun un réseau que ce chacun s’emploie à rendre dense et riche en amont, pour faire pièce à la précarité qui menace et aux exigences des dépendants en aval. Un tissu de solidarités, plus ou moins serré, plus ou moins solide, tant avec l’époque elles tendent à s’éroder. Car tout cela est aussi historique, et ne doit pas être considéré comme immuable, même si encore très prégnant.
Les formes d’organisation politique, qui se sont imposées avec la colonisation, portent à faux avec ce paradigme africain. Elles sont basées en effet, quand il s’agit de démocratie, sur la notion occidentale de citoyen, et sur le principe « One man, one vote ». Cela fonctionne tant bien que mal. Des élections ont lieu, des leaders émergent et dirigent. Certains pays témoignent d’une certaine stabilité institutionnelle, des alternances pacifiques sont observées. Et pourtant … Quand tel président est élu avec une majorité « normale » (entre 50 et 65%, pour simplifier), il faut regarder de plus près.  Très souvent, en fait, cette moyenne dissimule des scores de 85 à 90% dans certaines régions pour l’élu, et les mêmes dans d’autres pour le battu, faisant de l’élection davantage un recensement qu’un débat entre projets de société. Se sont exprimées les allégeances.

Cela dit, quid ? (et non pas « on fait quoi », car c’est l’affaire des Africains ; tout au plus peut-on même pas conseiller – qu’en ont-ils à faire ? – mais commenter).
En son temps, j’avais demandé s’il fallait vraiment élire les présidents au suffrage universel (2), car ce qui est largement présenté comme l’alpha et l’oméga de la démocratie ne se rencontre, en Occident, que dans peu de pays, ou fort récemment (1962 seulement en France, et cela avait soulevé de grandes protestations à gauche). D’autres modalités de désignation à la tête de l’Etat sont possibles, et démocratiques.
Il me semble depuis longtemps que l’essentiel est le débat politique et l’émergence de leaders aux niveaux locaux, celui de la communauté villageoise, et du « pays » ou « terroir », équivalent chez nous au canton ou au département. Les formes de désignation, dans ces cas-là, tout en intégrant la notion du « One man, one vote », peuvent être fort originales, inventives, sujettes à débat politique aussi, pour faire vivre la démocratie locale comme le souhaitent les populations. Celles-ci peuvent avoir d’ailleurs, dans le même pays, des traditions politiques différentes. Il faudrait aussi distinguer les zones rurales et urbaines, où les problématiques se posent tout à fait différemment.
Aux Africains de trouver les formes qui leur conviennent, et peut-être d’abord de se défaire de la servitude à des « modèles » importés. Au-delà, la démocratie indirecte (les assemblées d’un niveau, ou un collège de grands électeurs, désignant leurs représentants au niveau supérieur ou, pour l’Assemblée Nationale, le Président) me semble à considérer, car susceptible de générer des compromis, des alliances, des projets politiques, en cassant ou érodant les affrontements ethniques blocs contre blocs.

Encore une fois, les temps changent. Identités et cultures évoluent, formes d’organisation aussi. Ne voit-on pas progresser la notion d’égalité corollaire d’un rejet des allégeances, mais portée par le discours religieux ? (ce qui n’est pas forcément très favorable pour une démocratie laïque).
Comment les choses vont-elles évoluer ? Il sera de toute façon passionnant d’observer les changements, certainement bien différents de ce qu’on peut imaginer, en espérant qu’il en aille pour le mieux des populations concernées.

(1)    L’égalité ne se retrouve guère qu’entre puissants, qu’entre maîtres de réseaux, dans des relations négociées. Et encore dans ces cas-là, l’âge ou un autre facteur fera souvent que l’un feindra de prêter hommage à l’autre, ou l’autre de couvrir l’un de sa paternelle sollicitude.