samedi 29 décembre 2018

KENYA BY TRAIN


Une note en 3 épisodes : SOUVENIRS, MODERNE, SÉCURITÉ *

KENYA BY TRAIN – (1) SOUVENIRS : 
L'ancien train, en gare
Il y a très longtemps, pour aller de Nairobi à Mombasa pour les vacances, avec les filles petites, on prenait le vieux train qui quittait vers 18 heures, se traînait lentement (et un train qui se traîne c’est lent) tandis que la nuit tombait, avec quelque chance de voir des animaux dans la savane avant que le groom passe avec la cloche annoncer le premier service du wagon restaurant. Comme nous étions cinq, plus Paulo qui nous accompagnait, nous prenions et occupions tout un compartiment de seconde, tout en acajou et lavabo en étain dans des wagons d’avant-guerre, alors que les compartiments duo des premières étaient en formica des 50s.
Le wagon restaurant,
sur une carte postale des années 40
Au retour du dîner (vaisselle en porcelaine et argenterie, menu invariable beef stew ou chicken curry, avec des serveurs très classe balancés par les secousses sans jamais renverser), les couchettes étaient disposées, lits impeccables, le drap ouvert en coin. Là aussi, immuable : boiled, fried or scrambled eggs, tea or coffee with toasts. Revenus repus, le compartiment avait repris son allure banquette, tandis que le train continuait à la sienne, dans une végétation qui devenait côtière, cocotiers partout, habitation de plus en plus dense, à l’approche de Mombasa où on finissait par s’arrêter, vers les 8 heures du matin. Pas vraiment rapide, mais un charme fou, Out of Africa, et l’économie d’une nuit d’hôtel avec une belle journée qui commençait.
Ce qui était secousse devenait bercement, on ne s’apercevait pas des arrêts, de l’attente pour laisser passer le train qui faisait l’autre sens, le jour était levé quand on ouvrait l’œil, à peine prêts quand la cloche parcourait à nouveau le couloir, pour le petit déjeuner cette fois.
Hélas, tout cela s’est déglingué vers la fin des années 80, avec le reste des compagnies publiques, le service passagers a été interrompu, place à l’avion pour qui pouvait, et aux bus qui se sont substitués, efficaces, mais le charme en moins.

KENYA BY TRAIN – (2) MODERNE : Les bus, c’était bien, mais pour parcourir les 450 km d’une route défoncée plus souvent qu’à son tour, ça prenait souvent plus de 10 heures d’embouteillages et de cahots dans les nids de poule ou hors chaussée, quand un camion s’était renversé et bloquait la voie.
Depuis bientôt deux ans, tout a changé avec l’ouverture du Madaraka Express, qui roule sur la toute nouvelle voie aux normes internationales (la Standard Gauge Railway, SGR) nouvellement construite avec force ouvrages d’art par les Chinois, en parallèle de la vieille voie ferré étroite de la fin XIXe, qui a été à l’origine de la création du Kenya. Une seule voie, ce SGR, faut encore que les trains se croisent à une station, mais c’est une belle infrastructure. En moins de 5 heures, les 450 km de Nairobi à Mombasa sont couverts. Deux trains de passagers par jour pour le moment, un direct l’après-midi, un omnibus le matin qui s’arrête à une dizaine de gares sur le parcours, autant de foyers de développement possible dans les prochaines années.


Pas vraiment le grand confort, les wagons (je parle des secondes). Des banquettes droites, raides, dures, à peine rembourrées, pour trois d’un côté, pour deux de l’autre, avec vis-à-vis. Une centaine de passagers par wagon. Mais c’est clair et très propre, quelqu’un régulièrement passe la pièce par terre**. Après le départ, un autre préposé vient ranger les porte-bagages au-dessus des sièges, fait de la place, veille à ce qu’aucune sangle de sac ne pende. Pendant le voyage, un charriot avec boissons et snacks. C’est bon enfant, populaire, sympathique. L’occasion de côtoyer une tranche de la société kényane dans sa diversité, sa vie quotidienne.

Tout ça pour un peu plus de 12€, moins que le bus, bien moins que l’avion bien entendu.
Le Terminal de Nairobi
Aux gares, des préposés en bel uniforme sont quasi au garde-à-vous le long des quais. Parmi lesquels quelques Chinois qui visiblement supervisent.

... et celui de Mombasa
Le plus étonnant, ce sont justement les gares, aux deux terminaux. Construites à l’écart, aux confins de la ville, gigantesques, phénoménales, plus vastes que des halls de grands aéroports. C’est beau, spacieux, escalators, bonne circulation. Mais un style froid, un peu spatial, du mao-contemporain. Chinois. Pas une boutique, rien de chaleureux, clean et aseptisé, mais réussi dans le genre Odyssée de l’Espace, quand on ne va qu’à Mombasa ou Nairobi.
Reste que cette nouvelle ligne, quand elle sera pleinement utilisée, et bien managée, est un formidable investissement – pas un cadeau, loin de là – et peut devenir un formidable accélérateur de développement.

Une amertume demeure : pourquoi faut-il que ce soient des Chinois qui réalisent ce genre de truc ?

KENYA BY TRAIN (3) : SECURITE. Le Kenya a eu son lot d’attaques terroristes, et depuis longtemps. Ça a commencé – je parle des plus remarquables, internationalement médiatisées – par le camion qui a failli faire sauter l’Ambassade des USA, et laissé plusieurs centaines de morts Kenyans. Puis après l’attaque d’un hôtel israélien sur la Côte et l’échec d’une roquette contre un avion à l’atterrissage, ce fut la prise d’otages du centre commercial de West Gate, le massacre des étudiants à Garissa, … pour ne citer que ceux-là.
Depuis, fouilles de sacs et détecteurs assez systématiques aux entrées des bâtiments publics, des supermarchés, de certains magasins et restaurants, etc. Aux gares du Madaraka Express, c’est plutôt impressionnant.
La tente aux chiens
renifleurs
L’accès aux grands parkings est déjà surveillé. Malle ouverte, coup d’œil à l’intérieur des véhicules. On en sort donc ensuite pour se diriger vers la gare. Mais avant, une grande tente, très allongée. Des militaires font signe de s’y diriger. Au milieu, sur toute sa longueur, un plateau de bois à 30cm du sol. Les voyageurs sont invités à y aligner leurs bagages et sacs à dos, et à se tenir debout en face, à deux mètres environ, bien alignés aussi. Quand le rang est plein, un.e militaire (il y a une bonne partie de femmes) promène un chien qui renifle chaque bagage, passe vite ou s’attarde, jusqu’à ce qu’il arrive au bout. Permission est alors donnée de récupérer ses affaires, et de sortir. Pendant ce temps, la rangée en face s’était remplie, et le ballet peut continuer. Mais avant de sortir, les bagages passent au scanner, un côté hommes, un côté femmes, car on vous promène aussi un détecteur, avant de partir.

Vous voilà arrivés aux grilles de la gare. Vérification des papiers d’identité, puis encore une fois avant de pénétrer dans le bâtiment, avec le billet cette fois, pour établir la conformité. Fini ? non, il y a encore un scanner pour les bagages et tous objets métalliques avant d’accéder aux escalators qui mènent aux étages d’attente et aux quais.
C’est un peu lourd, exagéré. Mais quand on pense qu’on accède aux TGV comme à des moulins, n’y a-t-il pas un moyen terme raisonnable ?  

J'aurais bien mis des liens pour vous y renvoyer directement, mais je ne sais pas faire ici, sur ce blog-là. Je n'y connais pas la petite formule magique qui renvoie à une balise judicieusement placée.  Tout conseil avisé est bienvenu.
** ou serpillère, wassingue, selon les variations régionales. Ici, version marseillaise. Même si en fait, pour être très exact, il s'agit d'un mop très anglo-saxon.