jeudi 5 janvier 2023

FOOTBALL, NATIONALISMES, DECOLONIAUX ET IDEES RECUES :

 

Pendant la dernière Coupe du Monde, comme précédemment d’ailleurs, on a vu circuler des messages douteux à propos de l’équipe de France et des « origines » de ses joueurs tendant à insinuer qu’il ne sont pas de « vrais » Français car migrants ou fils de migrants, ou que ce sont « en fait » des Africains que l’(ex- et encore) colonisateur exploiterait pour sa propre gloire. En réponse outrée, drapés dans la notion de citoyenneté, d’autres, cocardiers, n’ont voulu retenir que la francité des Bleus. Deux perceptions venues d’horizons qui se disent diamétralement opposés, mais que réunit la même conception raciale et communautaire.

Fallait aller y voir de plus près, en tout cas la curiosité m’en a pris.

J’ai donc entrepris de comparer 4 équipes – Sénégal, Maroc, Cameroun, et France - en puisant mes infos sur Wikipedia, selon les mêmes critères pour chacun des joueurs : le lieu de naissance, la nationalité (unique ou multiple), le club actuel et en plus, pour l’équipe de France, la présumée « origine » (présumant que, dans les autres cas, « l’origine » n’est pas différente du pays pour lequel ils jouent). La comparaison est intéressante, et les équipes fort différentes.

Le tableau complet est consultable ci-dessous, et on peut en tirer ses propres conclusions. Je n’en relèverai que quelques unes, qui sont les miennes.

D’abord, le nombre de joueurs nés en France. Ils sont 38% parmi les Sénégalais, 30% parmi les Camerounais, mais seulement 7% parmi les Marocains.  Pour autant seuls 46% d’entre ces derniers sont nés au pays, contre 65% des Camerounais, et 50% des Sénégalais – ce qui montre une bien plus grande diversité de l’émigration marocaine. Très peu jouent au pays, même s’ils y sont nés (mais davantage quand même dans ce cas).

Quand à l’équipe de France, même si on peut attribuer à 19 de ses joueurs des « origines » étrangères, dont 14 africaines (dont 6 hors ex-colonies) 93% sont nés en France et donc citoyens de plein droit (nous n’avons pas de demi-droit). Seuls 2 ont été naturalisés. On voit donc que naître et grandir en France permet à des enfants issus de l’immigration de percer et de faire carrière (ce qui vaut aussi pour les joueurs des autres équipes nés en France). Pour autant, seuls 5 de ces natifs sur 28  jouent dans des clubs français (dont 1 seul « de souche ») : le footballeur français semble être un bon produit d’exportation. Et la France une bonne fabrique d’internationaux.

On doit pouvoir tirer bien d’autres enseignements de ces tableaux, et certaines observations devraient pouvoir être nuancées si l’on prend en compte non pas l’ensemble des joueurs mais les 15 qui ont le plus joué lors des matchs, ce qui pourrait être plus significatif encore.

J’en garde pour ma part deux idées majeures. Il ne faut jamais se priver de regarder dans le détail, et ne pas se satisfaire d’impressions. Le football est devenu un phénomène global, et la notion même d’équipe nationale doit être relativisée, car largement diluée sinon obsolète. C’est bon de s’enflammer pour les siens, mais sans chauvinisme, et loin de tout nationalisme ni communautarisme.

TABLEAU DETAILLE POUR CHAQUE EQUIPE
Les abréviations sont aisées à comprendre.
Pour la nationalité, chaque joueur a par définition celle de son équipe. Elle est mentionnée quand le joueur possède cette seule nationalité. Quand il est double (ou triple) national, elle n'est pas répétée, mais remplacée par la mention x2 (ou x3). Quand ce n'est pas indiqué expressément, la seconde nationalité est française.