Le CHEAM (Centre des
Hautes Etudes sur l’Afrique et l’Asie Modernes) proposait des sessions
annuelles de perfectionnement à des fonctionnaires de toutes les
administrations appelés à travailler notamment avec l’Afrique. Dont une bonne
proportion de militaires et de gens des services. J’ai eu le privilège d’être
choisi pour y participer, en 1993 si je me souviens bien. Chaque semaine, le
groupe se réunissait pour écouter un conférencier de haut niveau, sur un thème
particulier. Il s’agissait cette fois-là de santé et développement.
Après la docte et
passionnante intervention d’un spécialiste, pendant la discussion, un des
collègues, un gradé souvent facétieux, se lève : « Mais ne
croyez-vous pas que le principal problème pour la santé, en Afrique, c’est
l’aviation ? »
Stupeur dans
l’assistance. Qu’est-ce qu’il nous sort encore ? Et lui de poursuivre, en
substance :
« Ben oui, pendant
très longtemps, le système de santé a été très solide, bien financé, le
personnel bien payé. A partir du moment où on a pu prendre l’avion en cas
d’urgence pour aller se faire soigner ailleurs, les élites n’ont plus eu besoin
de dépenser des ressources importantes [je parlerais d’une partie de la rente]
dans ce domaine. »
En ces temps de pandémie
qui va toucher à plein le Continent, alors que nous au Nord peinons à
redécouvrir la dimension tragique de l’existence, avec laquelle les Africains
n’ont jamais cessé de vivre, il pourra être intéressant à temps perdu
d’observer la circulation aérienne.
[Ceci a été écrit au
début de la pandémie, quand on pouvait encore, sans en aucune façon lui faire
offense, craindre pour le continent un pire qui par bonheur jusqu’ici ne s’est
pas concrétisé – pour des raisons qu’il sera instructif plus tard d’analyser.
Avant, aussi, la venue pour soins du Premier Ministre de Côte d’Ivoire en France
aux frontières bouclées.]