J'ai rencontré l'Islam sur ma route tant de fois. Avec des amis, des gens, des lieux que j'aime. J'ai vécu en pays d'Islams. J'ose ce pluriel, en contradiction avec l'essence du mot. Car comme le monde, comme les hommes, je l'ai découvert multiple, divers, vivant.
Ce fut d'abord l'Algérie, notre voyage de noces. La fraîcheur des palais d'Alger au mois d'août, le chuchotement des fontaines, la douceur des carrelages bleus et verts, des formes arrondies, la recherche du bien-être, luxe et volupté. Le M'Zab aussi, la beauté de l'ascèse, la luxuriante suavité des oasis, mais aussi les femmes ensevelies sous les lourds draps de laine, autorisées que d'un oeil.
Lamu plus tard, cet Islam de tous temps, assumé, tranquille dont les règles sont précisées au visiteur, acceptables sans effort. Et dès lors, l'acceptation de la vie, la jubilation de l'existence, le plaisir dans la Création, l'accomodement avec le Créateur quand la face est sauve. Pourvu que ça dure ! car le bouiboui noir dont les femmes se couvraient la face avec pudeur ou coquinerie fait beaucoup place au ninja des jeunes, à un radicalisme crispé.
A Zaria, c'est rude, renfermé. Ca exclut. Ca affronte. La prescription s'impose, absolue. Al Adji, le chauffeur, prenait tous les risques pour arriver à temps à la mosquée. Soumission à la parole, littéralement, dans des versions plus rigoureuses aux enchères des sectes. C'est là qu'un matin l'horizon fumait encore des églises et débits de boisson incendiés pendant la nuit, qu'il a fallu attendre quarante-huit heures que cessent les risques de barrages où on a égorgé qui ne savait pas réciter son acte de foi.
Mais aussi celui de Buyenzi, à Bujumbura, où se rassemblent les artisans descendants de ceux qui avaient travaillé avec les premiers commerçants arabes arrivés dans les parages, les Musulmans yoruba de Lagos, qui cohabitent depuis des siècles avec les animistes devenus largement chrétiens, au point qu'il n'y paraît pas.
Les lieux, mais surtout des hommes.Profondément pieux ou indifférents, qui vivent chacun leur islam à leur façon, et qui m'en ont montré tant de facettes. Ceux qui ont su m'en parler si bien. Ceux qui sont des êtres merveilleux, et dont la foi habite les actions d'hommes justes et bons. Ceux font leur mieux de leur vie, et s'accomodent des obligations, retrouvant certaines quand on en a négligé d'autres : on ne prie pas mais on jeûne, ou l'inverse, on change selon qu'on est en famille ou avec des infidèles, bref on se bricole son Islam. Ceux aussi qu'il oppresse, à n'en pouvoir s'accepter, tant les interdits qu'ils croient devoir s'imposer viennent nier leur être.
Tant de facettes. Comme la vie. Comme tout un chacun, comme les autres sociétés, les autres religions. Des saints et des salauds, de la spiritualité généreuse et de la bêtise crasse et haineuse. Rien que de commun finalement.
Des gens avec qui on peut vivre. Que l'on gagne à connnaître. Dont je sens que le rejet qu'ils suscitent chez nous souvent, et qu'ils manifestent aussi en retour, vient surtout de la méconnaissance réciproque, de préjugés simplificateurs ou sans fondement.
Certains des textes ici souhaitent contribuer à une mise en perspective. Mon parcours me le permet, et je m'y autorise.
La mosquée bleue, une visite lors d'une escale à Istanbul. Un grand moment de sereine plénitude, et de partage, de beauté.
Et si on parlait de l'Aïd ? puisque la fête est passée sans que l'on n'en voie trace dans les journaux. Pourquoi ne pas parler d'un événement qui concerne plusieurs millions de nos compatriotes, même si ce n'est pas une catastrophe ?