Un an après l’enlèvement d’une Française, les Shebab sont
chassés de Kismaayo.
Triste
anniversaire
Voilà un an demain qu’un groupe armé venu de Somalie enlevait la
française Marie Dedieu, dans l’archipel de Lamu. Elle devait mourir moins d’un
mois après, faute des soins que son cancer à un stade avancé exigeait. Une
semaine auparavant, c’était une anglaise qui avait été enlevée, selon un
scénario identique, après que son mari qui avait tenté de résister eut été
abattu. Judith Tebutt a été libérée en mars 2012, contre versement d’une forte
rançon.
Le procès d’un membre du personnel de l’hôtel de Kiwayu où avait
eu lieu le kidnapping, accusé de complicité, a fait ressortir le rôle de riches
Somalis du coin, pour fournir la logistique des raids effectués par des
équipages locaux. Une telle opération pouvait se révéler lucrative en
rétrocédant les otages pour une poignée de milliers de dollars aux Shebab qui
contrôlaient la partie sud du pays. Eux pouvaient s’en servir dans leur visée
terroriste, et les négocier à fort prix.
Ces deux attaques à partir de la Somalie contre des touristes
étrangers ont provoqué, au mois d’octobre suivant, l’invasion par le Kenya de
la bande frontalière pour nettoyer la zone et faire cesser ces attaques
désastreuses pour l’économie touristique, et la sécurité du pays.
Où en est-on de cette branche du conflit qui s’étend du Sahel à
l’Afrique de l’Est ?
Elle ne manque pas d’actualité : les forces kényanes, avec celles
de l’Union Africaine (AMISOM) ont pris ce vendredi 28 septembre la ville de
Kismaayo, la dernière place tenue par les Shebab.
La prise
de Kismaayo
Cette victoire met fin au contrôle du sud de la Somalie par cette
mouvance fondamentaliste et terroriste liée à Al-Qaida,.
Les Shebab en avaient pris le contrôle en 2007 lors qu’ils avaient
débandé les Tribunaux Islamiques – une organisation fondamentaliste du
même tonneau - qui y exerçaient leur pouvoir.
Elle est l’aboutissement d’un processus de reconquête qui aura
duré un an.
Les forces de l’AMISOM (African union Mission in SOMalia), avaient
été dépêchées sur place en 2007 par l’Union Africaine pour soutenir le
gouvernement de transition somalien (TFG) qui ne contrôlait quasi rien d’un
pays en situation d'anarchie, éclaté entre divers pouvoirs et mouvances, dont
la plus virulente était les Shebab. Ceux-ci avaient pour objectif
l’établissement d’un Etat islamique, et une stratégie de terrorisme régional.
L’AMISOM a reçu mandat des Nations Unies l’année suivante. Composées
essentiellement de soldats ougandais et burundais, soutenues par Djibouti et la
Sierra Leone, ses forces étaient confinées dans certains secteurs de la
capitale, Mogadiscio. Elles tentaient d’œuvrer de concert avec les faibles
troupes du gouvernement du TFG.
Ce n’est qu’en août 2011 que la situation a commencé à évoluer,
quand les Shebab ont abandonné la plupart de leurs positions dans Mogadiscio.
Tout en y conservant de fait des bastions, qui ont encore un moment gelé la
situation.
Cependant, l’intervention kényane dans le sud où les
Shebab avaient établi l'essentiel de leur pouvoir, avec Kismaayo comme centre
stratégique, a provoqué un affaiblissement de leurs positions.
L’AMISOM s’est trouvée renforcée, puisque les forces
terrestres kényanes sont venues rejoindre les soldats ougandais et
burundais sous un même commandement opérationnel – tandis que le Kenya
conservait autonomes ses moyens aériens et navals engagés dans l’opération. De
nombreuses réunions de concertation ont eu lieu à Nairobi et Addis-Abeba pour
coordonner les activités.
A partir de janvier 2012, l’AMISOM à partir de Mogadiscio a pu
progressivement desserrer l’étau et reprendre, avec la Somali National Army,
bras armé duTFG, le contrôle de zones de plus en plus grandes du pays, vers le
sud, tandis que les Kenyans progressaient en sens inverse.
Un pas décisif a été effectué en juin dernier avec la prise
d’Afhadow, dont les Shebab avaient fait un de leurs grands centres militaires.
La route de Kismaayo, le port capitale du sud de la Somalie, était désormais
ouverte, d’autant que des bâtiments de la marine kényane avaient pris
position en face de la ville et commencé le 23 août à bombarder les défenses
militaires et les zones où les dirigeants shebab étaient supposés résider.
La progression s’est faite lentement, avec la prise de bourgs en
chemin, Miido le 31 août, Biibi et Harbole le 5 septembre.
La prise de Kismaayo semble avoir été le résultat d’une ruse.
Alors que tout laissait croire à une offensive imminente, appuyée par
l’aviation, des troupes terrestres de l’AMISOM massées autour de la ville, ce
sont des troupes kényanes, acheminées par un navire de guerre récemment
acquis, qui ont débarqué nuitamment dans le port et facilité la prise de
contrôle de la ville, apparemment sans se voir opposer de grande résistance.
Sans Kismaayo, les Shebab ne disposent plus d’aucune localité
d’importance, d’accès à la mer, de voies d’approvisionnement ni de positions
fortes. Le Sud Somalien n’est plus sous leur contrôle.
Une victoire africaine
Il est intéressant de noter ce développement, qui marque la
défaite d’une branche importante, et certainement la plus anciennement
implantée, de la nébuleuse fondamentaliste et terroriste, liée à Al-Qaida, qui
se déploie en Afrique d’est en ouest et dont les autres relais d’importance
sont Boko Haram au nord Nigeria, Aqmi et des filiales au Sahel. Une bonne
nouvelle là où il y en a peu.
Intéressant aussi que ceci ait été le résultat d’une intervention
concertée des Africains eux-mêmes, fort peu appuyés par la communauté
internationale. Que l’AMISOM soit financée, même largement, par l’ONU ne change
rien à l’affaire. Il est en général de bon ton de considérer avec
condescendance l’inefficacité de l’Union Africaine, et des pays du continent.
De se désoler de leur incapacité à gérer leurs conflits. De tenir pour évidence
leur absence de moyens, et leur inaptitude à les utiliser. Quand les Kenyans
sont intervenus en Somalie, nombre d’observateurs ont souri, et prédit que les
farouches guerriers somaliens n’en feraient qu’une bouchée. Et l’AMISOM a fait
longtemps ricaner. Il y a certainement une leçon à tirer, et il conviendrait de
rendre justice.
Intéressant enfin que, ceci qui précède expliquant peut-être cela,
on n’en entende si peu parler dans nos médias, tout au plus des articles
relégués dans la rubrique Monde. Pour spécialistes avertis. DESOLANT
Cependant, si les Shabab ont perdu le sud de la Somalie, le
problème reste grave : leur influence dans la région, et la capacité de
nuisance de leurs réseaux sont toujours là.
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