(English version, below)
Le MUSON
Une sacrée institution, cette Musical Society of Nigeria ( MUSON ), dont les biographies
disponibles d’Omo Bello ne disent mot. Je ne m’attendais pas à trouver rien de
tel, en arrivant à Lagos au Centre Culturel Français. C’est en fait une société
de musique, comme on disait à une époque, dont la bonne société cultivée et
distinguée de Lagos est membre, et bienfaitrice. Musique classique, il s’entend.
Le MUSON organise des soirées musicales, invite des solistes et des orchestres
de chambre. Un festival annuel, virtuoses à l’affiche, attire le beau monde en
foule. LE MUSON Center occupe, au contact du Lagos historique et du beau
quartier d’Ikoyi, une grande bâtisse
classe, disposant d’un restaurant gastronomique, de deux grandes salles de
spectacle dont une en gradins que nous avons souvent utilisée pour nos
spectacles en tournée, mais aussi de salles de répétition, etc. Une institution
totalement locale, avec laquelle j’ai eu un très grand plaisir à collaborer.
Le bâtiment du MUSON Center |
Mais le MUSON gère aussi en son sein une école de musique,
de bonne tenue, où les enfants de la bourgeoisie – et de l’aristocratie – lagosienne
viennent s’initier, et au-delà, aux grands instruments. Je crois me souvenir qu’un
système de bourse, même, soutien les jeunes talents moins fortunés : si on
veut entendre de la bonne musique, il faut s’en donner les moyens, car en
orchestre les élèves chaque année se produisent pendant le festival.
Omo Bello
Je ne me souviens plus des circonstances exactes. Etait-il
en tournée ou plutôt en mission, ce musicien, prof au conservatoire je crois ?
Etait-il venu évaluer le potentiel nigérian ? ou préparer des tournées ?
Toujours est-il qu’à l’occasion de sa venue j’avais organisé avec l’administration
du MUSON une matinée musicale. Nous n’étions que quelques-uns dans la salle,
nos hôtes, l’expert en mission, l’attaché culturel qui était venu d’Abuja, moi.
Su r la grande scène se sont succédés de jeunes musiciens et chanteurs, seuls
ou en formation, des solos des duos.
Parmi eux, une frêle jeune fille, à peine dix-sept ans peut-être,
dans un duo de Don Giovanni, ou seule
pour un Ave Maria. Limpide beauté, un
ravissement. Même si ses camarades étaient très bons, sans aucun doute elle sortait
du lot. Nous avons passé un superbe moment musical, et j’en suis reparti la
tête encore enchantée de cette jeune voix limpide, pur cristal, mais avec aussi
sa force, et une personnalité déjà affirmée.
Quelques temps après, j’avais le plaisir de transmettre la
nouvelle au MUSON. Notre Ambassade à Abuja proposait à la jeune Omo Bello une
bourse pour aller faire ses classes en France, au Conservatoire. La réponse est
venue, positive et reconnaissante, mais ce serait pour un peu plus tard. Omo
était engagée dans un cycle d’études qu’il convenait qu’elle finisse, avant de
partir sur une autre voie. Sagesse, retenue, volonté et maîtrise de soi, sous
un abord de charmante modestie, comme on dirait d’une jeune fille de bonne
éducation. Les traits que j’ai retrouvés chaque fois que nous nous sommes rencontrés.
Car pendant les quelques mois avant son départ, nous l’avons sollicitée.
Ce fut d’abord la Fête de la Musique. Chaque année, avec
plusieurs partenaires musicaux, dont le New
African Shrine de Femi Kuti, le CCF organisait plusieurs concerts, et en
trois lieux plus de 50 groupes et musiciens de tous les styles de Lagos se
succédaient, jusque tard dans la nuit. La fête de tout le monde, la fête de
toutes les musiques. Cette année-là, j’ai voulu que l’art lyrique soit aussi
présent. Ainsi en fin d’après midi le public se pressait déjà dans la grande
cour du CCF où une scène avait été dressée en plein air. Un public bigarré,
nombreux, populaire, peu d’étrangers, surtout
des jeunes, venu applaudir gratos les artistes qu’ils aiment bien, puisque l’affiche
était assez prestigieuse. Ils avaient déjà eu du reggae, du hip-hop, de l’afrobeat,
du juju, du high- life. Ils en attendaient encore. Et une frêle silhouette s’est
approchée du micro, seule en scène, la sono a envoyé les premières notes, sa
voix s’est envolée, radieuse et volontaire. L’Amour
est un enfant de Bohème … Stupeur dans l’assistance, dont la plupart n’avait
jamais entendu une musique pareille, une telle façon de chanter. Quelques
murmures, de l’incertitude, et puis plus rien. Le public était sous le charme.
Après Carmen, ce furent deux autres morceaux, dont l’Ave Maria de Gounod, et je ne sais plus quel autre. Omo Bello avait
fait découvrir le bel canto à un
public nouveau, difficile, pas habitué aux politesses, qui avait aimé, qui l’avait
applaudie.
Trois semaines après, notre Consul Général, Joël Louvet, qui
accordait un grand intérêt à l’action culturelle, lui a demandé d’interpréter la Marseillaise à l’occasion de la
réception du 14 juillet, dans les jardins d’un palace de la ville. Ce fut beau.
Pas tout à fait Jessie Norman Place de la Concorde (ou c’était la Bastille ?),
mais un beau moment musical, émouvant à des milliers de kilomètres de la France,
touchante illustration d’amitié avec le Nigeria.
Courte-échelle
Omo Bello, son diplôme en poche, est donc partie pour le
Conservatoire, à Toulouse d’abord, avec des perspectives de rejoindre Paris,
si cela marchait très bien. Cela a dû
marcher. Je n’ai pas eu avec elle la proximité, la chaleur du contact, le suivi
ultérieur que j’ai pu avoir avec d’autres artistes, qui eux aussi font un très
beau parcours international, et expriment tout leur talent. Je pense au danseur
Qudus Onikeku, qui était la saison dernière l’hôte du Festival d’Avignon et qui
présente dans le monde entier ses solos, ses chorégraphies. Je pense à Emeka
Okereke, le photographe, et aussi aux autres grands photographes de Lagos, que
j’ai exposés au CCF encore tout jeunots : James Uche Iroha, Kelechi Amadi
Obi, qui ont aussi une réputation internationale. Je pense bien entendu à Asa, passée
des planches de La Paillotte du CCF, aux disques d’or.
Accompagner tous ceux-là, et bien d’autres, leur servir de
tremplin, leur donner le coup de pouce pour exprimer leur talent, ce fut
passionnant et exaltant. Les voir prendre leur envol, rencontrer le succès,
dépasser même ce qu’on pouvait imaginer procure une forte émotion. Quelque
chose de comparable à ce que l’on ressent à voir ses enfants réussir. Même si
tout le mérite revient à eux. Si un jour l’improbable grand Saint Pierre me
demande ce que j’ai fait dans ma vie, je répondrai peut-être « courte-échelle »,
ce qui n’est pas si mal.
Omo Bello, the new "golden voice"
Omo Bello, the new "golden voice"
Flipping
through my magazine, I came across this page of advertising: Omo Bello, The new
«golden voice." Surprise and delight. I had no news of her - I sometimes
wondered -, since her departure for Toulouse Conservatory with a scholarship
from the French government. So she reappears now on glossy paper, promoted for
his recording of Mahler . I'm not quite a classical music lover to follow the
news of bel canto , and I did not notice her success. What a long way since I
saw her sing, very young and frail on the stage of MUSON Centre in Lagos !
the MUSON
What an
institution , that Musical Society of Nigeria ( MUSON )! The available biographies
of Omo Bello are silent about the role it played at her beginnings. I did not
expect to find anything like it, when I arrived in Lagos as Director of the
French Cultural Centre . This is actually a music society, - classical music, I
mean - of which the beautiful cultivated and distinguished society of Lagos is
a member and benefactor.. The MUSON organizes musical soirées , invites
soloists and chamber orchestras . An annual festival, featuring virtuosos, attracts the beautiful people in numbers. THE
MUSON Center is situated at the junction of the historical LagosIsland and the beautiful
Ikoyi area , a large classical building with a gourmet restaurant , two large
hall and theatre that we often use for our touring artists but also rehearsal
rooms, etc. . A totally local institution, which I had a great pleasure to
collaborate with.
But MUSON
also manages a school of music, of high standard , where the children of the Lagos
bourgeoisie - and the aristocracy - come to learn , and beyond , the classical
instruments. If I remember well, scholarships and sponsorships help the less
well off young talent: if you want to enjoy good music, it is necessary to
provide the means, because the students’ orchestra performs every year during
the festival.
Omo Bello
I do not
remember the exact circumstances. Was he on tour or on a mission , this musician , teacher at the
conservatory who came to visit Lagos? Did he come to assess the Nigerian
potential? or prepare a tour ? Still, on the occasion of his arrival I had
arranged with the administration of MUSON a musical morning session. We were
only a few in the hall, our guests , the expert, the cultural attaché coming
from Abuja, myself. On the large stage was a succession of young musicians and
singers, alone or in group, solos, duets.
Among them,
a frail girl, hardly seventeen perhaps, sang in duet an air from Don Giovanni , and, solo, an Ave Maria . Limpid beauty, a delight. While
her classmates were very good, no doubt she stood above the flock . We had a
great musical moment, and I left still enchanted, my head filled with this
young clear voice, pure crystal, but also strong, an already affirmed personality.
Sometime
later, I had the pleasure to convey the news to MUSON. Our Embassy in Abuja granted
to young Omo Bello a scholarship to France to follow classes at the
Conservatoire . The answer came, positive and grateful, but it would be for sometime
later. Omo was engaged in a degree courseand she would rather complete it before
starting on another direction . Wisdom, restraint and self-control, under a
discreet modesty, as it suits a well educated young girl. The characteristics
of the personality whenever we met. As we made some requests to her during the
few months left before her departure.
First came World
Music Day. Every year, with several musical partners, including the New African
Shrine of Femi Kuti , CCF organized several concerts , and in three venues more
than 50 bands and musicians of Lagos would perform , till late into the night .
A festival for everyone, the festival of all music. That year, I wanted the
opera also to be present . In the late afternoon, the public was already
crowded into the courtyard of the CCF where a stage had been erected in the
open air . A colorful public, numerous , popular, few foreigners , mostly young
people , had come to applaud, free of charge, the artists they like , since the
program featured quite prestigious names. They already had reggae, hip- hop,
afrobeat , juju , high-life . They were waiting for more. Then a frail figure
approached the microphone, alone on stage. The sound track sent the first notes
, her voice raised , radiant and full of power. “L’Amour est un enfant de Bohême ...” The audience got flabbergasted.
Most of them had never heard such a music , such a way of singing . Some
murmurs of uncertainty, and then nothing. The audience was under the spell.
After Carmen came two other pieces , including Gounod 's Ave Maria , and I don’t recall what
else. Omo Bello had introduced the bel
canto to a new audience, a difficult one, not familiar with listening politely. They loved it, they applauded.
Three weeks
later, our Consul General, Joel Louvet , who had a great interest in the
cultural activities, asked Omo Bello to interpret the Marseillaise during the reception on Bastille’s Day, in the gardens
of a palace in the city. It was beautiful. Not quite like Jessie Norman Place
de la Concorde (or it was the Bastille?). But a beautiful musical moment, very moving,
thousands of kilometers from France , a touching illustration of friendship
with Nigeria.
Helping hand
Omo Bello, after
graduating, left to attend a School of Music , first in Toulouse , with the
prospect of joining Paris , if all would worked very well. Apparently it did! I
have not been so close with her. Not much like the warmth of contact and the subsequent
follow up that I have had with some other artists, who are also doing a great
international career and are expressing their talents fully. I have in mind the dancer
Qudus Onikeku , who was the host last season of the Avignon Festival and performs
worldwide his solos and choreographies. I have in mind Emeka Okereke , the photographer
, and also other great photographers of Lagos, I exhibited in CCF when at their
beginning : Uche James Iroha , Kelechi Amadi Obi , who also have an
international reputation. I also, of course, have in mind Asa who started on
the stage of Paillotte in CCF and reached golden records.
Accompanying
all these artists, and many others, serving as a springboard , giving them the
boost to express their talent , was quite exciting and exhilarating . To see them
take off , meet with success , even beyond what we could imagine, it provides a
strong emotion. Something similar to what it feels like to see his children
succeed. Even if all the credit goes to them. If one day the unlikely great
Saint Peter asks me what good I've done in my life, my answer may be
"helping hand" , which after all is not so bad.