mercredi 20 novembre 2013

Omo Bello, la nouvelle « voix d’or »



(English version, below)



En feuilletant mon magasine, je tombe sur cette page de publicité : Omo Bello, La nouvelle « voix d’or ». Surprise et ravissement. Je n’avais pas de ses nouvelles – je m’étais demandé- depuis son départ pour le conservatoire de Toulouse avec une bourse du gouvernement français. La voilà donc sur papier glacé, promue pour son enregistrement de Mahler. Je ne suis pas assez mélomane pour suivre l’actualité lyrique, et son ascension m’avait échappé. Quel chemin parcouru depuis que je l’avais vue chanter, toute jeune et frêle, sur la scène du MUSON Centre, à Lagos !

Le MUSON

Une sacrée institution, cette Musical Society of Nigeria ( MUSON ), dont les biographies disponibles d’Omo Bello ne disent mot. Je ne m’attendais pas à trouver rien de tel, en arrivant à Lagos au Centre Culturel Français. C’est en fait une société de musique, comme on disait à une époque, dont la bonne société cultivée et distinguée de Lagos est membre, et bienfaitrice. Musique classique, il s’entend. Le MUSON organise des soirées musicales, invite des solistes et des orchestres de chambre. Un festival annuel, virtuoses à l’affiche, attire le beau monde en foule. LE MUSON Center occupe, au contact du Lagos historique et du beau quartier d’Ikoyi,  une grande bâtisse classe, disposant d’un restaurant gastronomique, de deux grandes salles de spectacle dont une en gradins que nous avons souvent utilisée pour nos spectacles en tournée, mais aussi de salles de répétition, etc. Une institution totalement locale, avec laquelle j’ai eu un très grand plaisir à collaborer.
Le bâtiment du MUSON Center
Mais le MUSON gère aussi en son sein une école de musique, de bonne tenue, où les enfants de la bourgeoisie – et de l’aristocratie – lagosienne viennent s’initier, et au-delà, aux grands instruments. Je crois me souvenir qu’un système de bourse, même, soutien les jeunes talents moins fortunés : si on veut entendre de la bonne musique, il faut s’en donner les moyens, car en orchestre les élèves chaque année se produisent pendant le festival.

Omo Bello

Je ne me souviens plus des circonstances exactes. Etait-il en tournée ou plutôt en mission, ce musicien, prof au conservatoire je crois ? Etait-il venu évaluer le potentiel nigérian ? ou préparer des tournées ? Toujours est-il qu’à l’occasion de sa venue j’avais organisé avec l’administration du MUSON une matinée musicale. Nous n’étions que quelques-uns dans la salle, nos hôtes, l’expert en mission, l’attaché culturel qui était venu d’Abuja, moi. Su r la grande scène se sont succédés de jeunes musiciens et chanteurs, seuls ou en formation, des solos des duos.
Parmi eux, une frêle jeune fille, à peine dix-sept ans peut-être, dans un duo de Don Giovanni, ou seule pour un Ave Maria. Limpide beauté, un ravissement. Même si ses camarades étaient très bons, sans aucun doute elle sortait du lot. Nous avons passé un superbe moment musical, et j’en suis reparti la tête encore enchantée de cette jeune voix limpide, pur cristal, mais avec aussi sa force, et une personnalité déjà affirmée.
Quelques temps après, j’avais le plaisir de transmettre la nouvelle au MUSON. Notre Ambassade à Abuja proposait à la jeune Omo Bello une bourse pour aller faire ses classes en France, au Conservatoire. La réponse est venue, positive et reconnaissante, mais ce serait pour un peu plus tard. Omo était engagée dans un cycle d’études qu’il convenait qu’elle finisse, avant de partir sur une autre voie. Sagesse, retenue, volonté et maîtrise de soi, sous un abord de charmante modestie, comme on dirait d’une jeune fille de bonne éducation. Les traits que j’ai retrouvés chaque fois que nous nous sommes rencontrés. Car pendant les quelques mois avant son départ, nous l’avons sollicitée.
Ce fut d’abord la Fête de la Musique. Chaque année, avec plusieurs partenaires musicaux, dont le New African Shrine de Femi Kuti, le CCF organisait plusieurs concerts, et en trois lieux plus de 50 groupes et musiciens de tous les styles de Lagos se succédaient, jusque tard dans la nuit. La fête de tout le monde, la fête de toutes les musiques. Cette année-là, j’ai voulu que l’art lyrique soit aussi présent. Ainsi en fin d’après midi le public se pressait déjà dans la grande cour du CCF où une scène avait été dressée en plein air. Un public bigarré, nombreux, populaire,  peu d’étrangers, surtout des jeunes, venu applaudir gratos les artistes qu’ils aiment bien, puisque l’affiche était assez prestigieuse. Ils avaient déjà eu du reggae, du hip-hop, de l’afrobeat, du juju, du high- life. Ils en attendaient encore. Et une frêle silhouette s’est approchée du micro, seule en scène, la sono a envoyé les premières notes, sa voix s’est envolée, radieuse et volontaire. L’Amour est un enfant de Bohème … Stupeur dans l’assistance, dont la plupart n’avait jamais entendu une musique pareille, une telle façon de chanter. Quelques murmures, de l’incertitude, et puis plus rien. Le public était sous le charme. Après Carmen, ce furent deux autres morceaux, dont l’Ave Maria de Gounod, et je ne sais plus quel autre. Omo Bello avait fait découvrir le bel canto à un public nouveau, difficile, pas habitué aux politesses, qui avait aimé, qui l’avait applaudie.
Trois semaines après, notre Consul Général, Joël Louvet, qui accordait un grand intérêt à l’action culturelle, lui a demandé d’interpréter la Marseillaise à l’occasion de la réception du 14 juillet, dans les jardins d’un palace de la ville. Ce fut beau. Pas tout à fait Jessie Norman Place de la Concorde (ou c’était la Bastille ?), mais un beau moment musical, émouvant à des milliers de kilomètres de la France, touchante illustration d’amitié avec le Nigeria.

Courte-échelle

Omo Bello, son diplôme en poche, est donc partie pour le Conservatoire, à Toulouse d’abord, avec des perspectives de rejoindre Paris, si  cela marchait très bien. Cela a dû marcher. Je n’ai pas eu avec elle la proximité, la chaleur du contact, le suivi ultérieur que j’ai pu avoir avec d’autres artistes, qui eux aussi font un très beau parcours international, et expriment tout leur talent. Je pense au danseur Qudus Onikeku, qui était la saison dernière l’hôte du Festival d’Avignon et qui présente dans le monde entier ses solos, ses chorégraphies. Je pense à Emeka Okereke, le photographe, et aussi aux autres grands photographes de Lagos, que j’ai exposés au CCF encore tout jeunots : James Uche Iroha, Kelechi Amadi Obi, qui ont aussi une réputation internationale. Je pense bien entendu à Asa, passée des planches de La Paillotte du CCF, aux disques d’or.

Accompagner tous ceux-là, et bien d’autres, leur servir de tremplin, leur donner le coup de pouce pour exprimer leur talent, ce fut passionnant et exaltant. Les voir prendre leur envol, rencontrer le succès, dépasser même ce qu’on pouvait imaginer procure une forte émotion. Quelque chose de comparable à ce que l’on ressent à voir ses enfants réussir. Même si tout le mérite revient à eux. Si un jour l’improbable grand Saint Pierre me demande ce que j’ai fait dans ma vie, je répondrai peut-être « courte-échelle », ce qui n’est pas si mal.


Omo Bello, the new "golden voice"

Flipping through my magazine, I came across this page of advertising: Omo Bello, The new «golden voice." Surprise and delight. I had no news of her - I sometimes wondered -, since her departure for Toulouse Conservatory with a scholarship from the French government. So she reappears now on glossy paper, promoted for his recording of Mahler . I'm not quite a classical music lover to follow the news of bel canto , and I did not notice her success. What a long way since I saw her sing, very young and frail on the stage of MUSON Centre in Lagos !
the MUSON
What an institution , that Musical Society of Nigeria ( MUSON )! The available biographies of Omo Bello are silent about the role it played at her beginnings. I did not expect to find anything like it, when I arrived in Lagos as Director of the French Cultural Centre . This is actually a music society, - classical music, I mean - of which the beautiful cultivated and distinguished society of Lagos is a member and benefactor.. The MUSON organizes musical soirées , invites soloists and chamber orchestras . An annual festival, featuring virtuosos,  attracts the beautiful people in numbers. THE MUSON Center is situated at the junction of the historical LagosIsland and the beautiful Ikoyi area , a large classical building with a gourmet restaurant , two large hall and theatre that we often use for our touring artists but also rehearsal rooms, etc. . A totally local institution, which I had a great pleasure to collaborate with.
But MUSON also manages a school of music, of high standard , where the children of the Lagos bourgeoisie - and the aristocracy - come to learn , and beyond , the classical instruments. If I remember well, scholarships and sponsorships help the less well off young talent: if you want to enjoy good music, it is necessary to provide the means, because the students’ orchestra performs every year during the festival.
Omo Bello
I do not remember the exact circumstances. Was he on tour or on a  mission , this musician , teacher at the conservatory who came to visit Lagos? Did he come to assess the Nigerian potential? or prepare a tour ? Still, on the occasion of his arrival I had arranged with the administration of MUSON a musical morning session. We were only a few in the hall, our guests , the expert, the cultural attaché coming from Abuja, myself. On the large stage was a succession of young musicians and singers, alone or in group, solos, duets.
Among them, a frail girl, hardly seventeen perhaps, sang in duet an air from Don Giovanni , and, solo, an Ave Maria . Limpid beauty, a delight. While her classmates were very good, no doubt she stood above the flock . We had a great musical moment, and I left still enchanted, my head filled with this young clear voice, pure crystal, but also strong, an already affirmed personality.
Sometime later, I had the pleasure to convey the news to MUSON. Our Embassy in Abuja granted to young Omo Bello a scholarship to France to follow classes at the Conservatoire . The answer came, positive and grateful, but it would be for sometime later. Omo was engaged in a degree courseand she would rather complete it before starting on another direction . Wisdom, restraint and self-control, under a discreet modesty, as it suits a well educated young girl. The characteristics of the personality whenever we met. As we made some requests to her during the few months left before her departure.
First came World Music Day. Every year, with several musical partners, including the New African Shrine of Femi Kuti , CCF organized several concerts , and in three venues more than 50 bands and musicians of Lagos would perform , till late into the night . A festival for everyone, the festival of all music. That year, I wanted the opera also to be present . In the late afternoon, the public was already crowded into the courtyard of the CCF where a stage had been erected in the open air . A colorful public, numerous , popular, few foreigners , mostly young people , had come to applaud, free of charge, the artists they like , since the program featured quite prestigious names. They already had reggae, hip- hop, afrobeat , juju , high-life . They were waiting for more. Then a frail figure approached the microphone, alone on stage. The sound track sent the first notes , her voice raised , radiant and full of power. “L’Amour est un enfant de Bohême ...” The audience got flabbergasted. Most of them had never heard such a music , such a way of singing . Some murmurs of uncertainty, and then nothing. The audience was under the spell. After Carmen  came two other pieces , including Gounod 's Ave Maria , and I don’t recall what else. Omo Bello had introduced the bel canto to a new audience, a difficult one, not familiar with listening  politely. They loved it, they applauded.
Three weeks later, our Consul General, Joel Louvet , who had a great interest in the cultural activities, asked Omo Bello to interpret the Marseillaise during the reception on Bastille’s Day, in the gardens of a palace in the city. It was beautiful. Not quite like Jessie Norman Place de la Concorde (or it was the Bastille?). But a beautiful musical moment, very moving, thousands of kilometers from France , a touching illustration of friendship with Nigeria.
Helping hand
Omo Bello, after graduating, left to attend a School of Music , first in Toulouse , with the prospect of joining Paris , if all would worked very well. Apparently it did! I have not been so close with her. Not much like the warmth of contact and the subsequent follow up that I have had with some other artists, who are also doing a great international career and are expressing  their talents fully. I have in mind the dancer Qudus Onikeku , who was the host last season of the Avignon Festival and performs worldwide his solos and choreographies. I have in mind Emeka Okereke , the photographer , and also other great photographers of Lagos, I exhibited in CCF when at their beginning : Uche James Iroha , Kelechi Amadi Obi , who also have an international reputation. I also, of course, have in mind Asa who started on the stage of Paillotte in CCF and reached golden records.

Accompanying all these artists, and many others, serving as a springboard , giving them the boost to express their talent , was quite exciting and exhilarating . To see them take off , meet with success , even beyond what we could imagine, it provides a strong emotion. Something similar to what it feels like to see his children succeed. Even if all the credit goes to them. If one day the unlikely great Saint Peter asks me what good I've done in my life, my answer may be "helping hand" , which after all is not so bad.

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