Mais allô quoi ? ODE.
Tout a commencé avec la perte du fil, le cordon coupé. Pas une
commodité, une révolution copernicienne.
Bonjour de Haïti |
Jusque là, le téléphone était lié à un lieu. On vous appelle, on
vous y trouve, ou pas. Non il n’est pas là, je peux lui faire une commission ?
Avantage : hors d’atteinte, on ne peut pas vous emmerder avec des
questions de boulot. Mais on peut aussi vérifier que vous êtes là. Ou tout le
monde peut décrocher. C‘était qui, cette voix féminine qui a subitement
raccroché ? Vaudeville.
Le mobile est lié à une personne. Çà change tout. Vous êtes
accessible 24/7, suspect si vous ne décrochez pas. L’absence de réseau n’est
plus un bon prétexte. Mais on ne sait pas d’où vous répondez, sauf à mettre
bêtement la cam. Oui, oui, tout de suite Monsieur le Directeur, dis-je
voluptueusement allongé. Mais ça, c’était l’antiquité, le vieux Nokia.
Avec les smartphones (j’ai pas trouvé mieux en français), c’est
autre chose. Je peux être, à tout moment, en contact avec ma fille, mes amis, à
des milliers de kilomètres. Plus proches, bien plus, que des copains à quelques
rues, que finalement je ne rencontre qu’épisodiquement. Des rencontres,
justement. J’en fais non plus seulement où mes pas me guident, mais sur des
réseaux à l’infini. Extension du domaine des contacts. Je peux voir, entendre,
à la seconde, ce qui se passe partout ailleurs, par le truchement de TVs ou d’un
témoin sur place, tout en déambulant dans mon petit périmètre. Je me trimbale,
partout, avec bien plus de dictionnaires que je n‘en ai jamais eu, d’infinies
bibliothèques, discothèques, médiathèques, mes œuvres préférées, ou que je n’aurais
pas eu la chance de découvrir. Pour le meilleur et pour le pire ? Bien
entendu, comme tout, depuis Esope.
Jusque là j’avais ma vue, mon ouïe, mon odorat, mon toucher, mon
goût, que j’ai dû éduquer ; je m’habitue à jouir d’un sixième sens, l’ubiquité.
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