Elles se dressent, les trois, alignées. Lignes pures, régulières.. Le cône, les pics,
le dôme. Des exemples pour livre de géographie. Elles dominent, se détachent sur le ciel bleu.
Leur silhouette imprègne mes paysages d’enfance.
Elles barrent l’horizon de qui a pénétré dans la vallée de l’Ubaye. Ce n’est qu’après avoir
passé leur pied, vers la Fresquière, qu’elle s’élargit, s’évase en un vaste
cirque ourlé de hautes montagnes. Mais ça c’est après les Séolanes. Avant, c’est
étroit, les deux pentes d’adret et d’ubac plongent vivement vers le fond où
remoue l’Ubaye, entre trous à truites et mini chutes, entre rapides et faux
repos, rejointe de cascades. Car si les Séolanes la ferment en amont, la vallée
est aussi cadenassée par des gorges serrées qu’a creusées la rivière, changeant
jadis son cours en laissant un lac lamartinien où se reflètent les trois
belles. Là où la vallée s’achève, là bas en aval où on rejoint le domaine de la
Durance, les deux versants en V prononcé forment ce qu’on appelle le Trou de
Madame, qui a le profond avantage d’annoncer la pluie quand il est bouché. On
ne parle pas ici de dépression.
Le lac du Lauzet, et les Séolanes (photo Geneviève Bertrand) |
Donc, entre Le Lauzet et le Martinet, l’univers est clos, un
cocon, vert hérissé moussu de conifères sombres côté ubac, tandis que le soleil
caresse les roches quasi dénudées, les pousses éparses d’arbres
rabougris, de
broussailles accrochées à la pente. Quelque chose comme une Vallée Perdue, pour
reprendre le titre de ce film méconnu, qui narre comment, pendant la guerre de
Trente ans, des troupes ennemies s’étaient retrouvées coincées par l’hiver dans
une vallée et avaient dû vaille que vaille composer, entre elles et avec les quelques
villageois, survivre et coexister car c’est possible, avant de repartir
guerroyer chacun de son côté, les neiges fondues.
Car il y a aussi un passé de bataille dans cette Ubaye. Le petit hameau au bord d’un torrent, même pas au bord de la route, là où j’ai passé toutes mes jeunes vacances se nomme Champanastaïs, le Camp d’Anastasius, qui avait établi ses quartiers un moment, et qui a laissé son nom. Je n’ai jamais rien su ni cherché de plus sur ce général. Romain ? ou Carthaginois des guerres puniques ? J’aime imaginer des éléphants sur ces pentes, broutant l’herbe où j’ai gardé les vaches avec les paysans du hameau.
Les mêmes, l'hiver (photo GB) |
Car il y a aussi un passé de bataille dans cette Ubaye. Le petit hameau au bord d’un torrent, même pas au bord de la route, là où j’ai passé toutes mes jeunes vacances se nomme Champanastaïs, le Camp d’Anastasius, qui avait établi ses quartiers un moment, et qui a laissé son nom. Je n’ai jamais rien su ni cherché de plus sur ce général. Romain ? ou Carthaginois des guerres puniques ? J’aime imaginer des éléphants sur ces pentes, broutant l’herbe où j’ai gardé les vaches avec les paysans du hameau.
Les Séolanes, vues de Barcelonnette |
Mais revenons aux Séolanes, et à leurs messages. J’ai
souligné la pureté de leur dessin, vues de l’ouest. Si on les dépasse, une fois
dans le haut de la vallée, ce ne sont plus qu’une ligne de crêtes informes, on
ne les distingue même plus, amorphes elles sont. Ainsi en va-t-il parfois en
politique. D’ailleurs, campant sur certains points de vue, on ne distingue pas que
ce qui apparaît comme une masse de mesures désordonnées, informes et disparates
peut, sous le bon angle, se révéler un dessein.
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