lundi 20 décembre 2010

Laïcité menacée de hold-up

Ces jours-ci, c’était le 105ème anniversaire de la loi de 1905, celle sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Au moment même où la notion de laïcité devient un enjeu majeur, en tout cas le contenu qu’on lui donne.
Le 16 décembre aux Matins, sur France Culture, Olivier Bobineau expliquait qu’on pouvait distinguer quatre grandes conceptions de la laïcité, qui prennent toutes racine dans la loi, qui sans être contradictoires induisent des pratiques fort divergentes – et dont tout Français est peu ou prou habité. Il les a définies comme :
La laïcité d’opposition : l’Etat doit s’opposer à tout affichage public, dans les rues, de toute croyance ; elle s’attaque à la visibilité du religieux dans l’espace public. C’est la laïcité du contexte historique de 1905, où il s’agissait de lutter contre l’Eglise et son pouvoir, celle où on bouffe du curé, c’est moi qui ajoute.
La laïcité de neutralisation : la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Article 2, alinéa 1.
La laïcité de composition : toutefois  - article 2 alinéa 2 - peuvent être inscrites au budget les dépenses relatives aux services d’aumôneries. Donc, on permet aux croyants de pratiquer leur religion dans des lieux publics mais fermés (internats, écoles, hôpitaux, armée, prisons, etc.).
La laïcité de proposition : la République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des cultes, sous réserve de trouble à l’ordre public. C’est l’article 1 de la loi.
Actualité brûlante !
La droite dure, et Marine Le Pen s’est mise dans ce sillage, est en train de s’emparer de la notion de la laïcité, pour en faire un outil de xénophobie, de repli identitaire et d’incitation à la haine de l’étranger, assimilé à l’Islam.
Elle réinvestit la laïcité d’opposition, bien ancrée dans les consciences, qui a eu son heure de gloire quand il s’agissait de lutter contre le pouvoir du goupillon. Cette fois, on bouffe de l’imam, du voile et de la mosquée. On attaque toute visibilité du culte musulman, au nom de l’opposition à un affichage public. On orchestre la peur, les fantasmes, pour les instrumentaliser en haine, en rejet de l’autre. Et ce, fallacieusement, au nom d’une conception dévoyée des valeurs républicaines.
Il faut, d’urgence, sauver la « laïcité » des griffes de ce détournement.
Il faut lui opposer une laïcité ouverte, la seule véritablement républicaine, qui garantit la liberté et la fraternité.
Pour cela, on ne peut faire l’économie d’un discours sur l’Islam. Un discours empathique et franc, ouvert et rigoureux, serein et sans complaisance.
Il faut désamorcer les peurs, les craintes fabriquées de toutes pièces à partir d’a priori, de préjugés, de méconnaissances surtout. Qui a vécu en pays d’Islam (au pluriel) sait combien ce qui se véhicule dans l’air du temps est loin de la réalité.
Il faut relativiser, remettre en perspective, expliquer.
Il faut que nos compatriotes musulmans modérés s’expriment, et qu’ils puissent devenir audibles.
Car si la visibilité de l’identité musulmane est inévitable, indispensable, légitime, sauf à exiger des musulmans qu’ils la dissimulent comme une tare honteuse, elle a besoin, pour être largement acceptée, de davantage de lisibilité. La société dans son ensemble a besoin de mieux comprendre et se comprendre.

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