mardi 26 avril 2022

REPARTIR A GAUCHE 4 : renouveler la démocratie

DES SOLUTIONS NOUVELLES, PAS DE FAUSSES LUNES

Il y a un besoin, chez chacun, de participer bien davantage aux délibérations, aux décisions qui concernent notre vie. La représentation politique existante, les rendez-vous de loin en loin, ne suffisent pas. Il faut améliorer l’implication, animer les débats. Reste à savoir comment.

Le référendum (d’initiative populaire ou pas)

C’est ce qui a la côte, l’étendard que l’on déploie, chez Le Pen comme chez Mélanchon, le parangon de ce qui rendrait la parole au peuple. Sauf à accepter le caractère démagogue de cette dernière affirmation, mieux vaudrait y regarder à deux fois. Et distinguer largement.

Le référendum Vème République

Il est prévu dans notre Constitution actuelle, et beaucoup ont eu lieu. Avec plus ou moins de bonheur.

Je ne suis pas juriste, encore moins constitutionnaliste, mais en gros … Le référendum est l’outil qui permet de soumettre au peuple souverain des décisions majeures, qui ont besoin de sa validation pour être légitimées.

Ainsi d’une révision de la Constitution, si celle-ci ne trouve pas une majorité des 2/3 des deux assemblées réunies pour l’approuver, ou si le Président juge l’importance si cruciale qu’il est besoin du recours au suffrage universel. Pour autant, la question posée aux électeurs doit être approuvée dans les mêmes termes par les deux chambres, et ne peut être que OUI ou NON.

De même en cas de traités internationaux, en particulier impliquant la souveraineté du pays.

Un instrument adapté … mais seulement quand la situation est simple

OUI ou NON tranchent. Ainsi par exemple lorsqu’il nous a été demandé d’approuver l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie, ou l’entrée de la Grande-Bretagne et quelques autres pays dans la Communauté Economique Européenne. Au fil du temps d’ailleurs, la participation à, et donc l’engouement pour, ces exercices formels, obligatoires mais de peu d’enjeu, a décru. Idem pour la réduction du mandat présidentiel à 5 ans.

C’est autre chose quand l’enjeu est complexe. Ainsi du Traité de Maastricht où NON a rassemblé le refus total de l’Europe, mais aussi l’Europe oui mais pas comme ça, OK mais sans telle clause, et d’autres encore. Pire, le référendum de 2005 sur la possibilité d’une constitution européenne, sujet extrêmement complexe, difficilement compréhensible d’ailleurs, et où les positions se sont figées sur des points secondaires, voire surtout sur le soutien, ou non, au gouvernement – ce qui avait peu à voir. Quand il n’est pas simple, le recours au référendum à tend à devenir un plébiscite, un prétexte à relégitimer un pouvoir en place, ce qui est un total dévoiement. On a en mémoire le référendum sur la décentralisation, proposé par De Gaulle, et qu’il a perdu, non tant pour le projet qui pouvait être très fécond, mais par le désir de changement dans le pays.

Ainsi, lors des trois derniers mandats, les Présidents se sont bien gardés de soumettre des réformes au référendum, tant ils étaient conscients que les Français ne se prononceraient pas tant sur la question posée, que sur eux et leur politique.

Référendum ne dit pas démocratie : danger

Le référendum serait a priori démocratique. Car expression du Peuple. Et une candidate malheureuse de brandir le syllogisme : qui ne fait pas de référendum a peur du peuple, n’est pas un démocrate. C’est largement à nuancer.

On l’a dit, la référendum tourne vite (a tendance à tourner) au plébiscite. La question posée disparaît derrière un rejet de la politique d’ensemble de qui la pose. Ou au contraire il est fait appel, à travers une approbation, à une validation du pouvoir – possiblement pour vaincre un obstacle institutionnel à des pouvoirs désirés. Qui peut s’opposer, après, à qui a obtenu un aval populaire ?

Autre aspect : la démocratie n’est pas la dictature de la majorité. Un référendum, sans garde-fou, peut faire accepter des mesures discriminatoires, clivantes, à l’égard d’une partie de la population qui y perdrait ses droits légitimes défendus par la Constitution. Un référendum sur le voile islamique ? Sur la viande casher ou hallal ? Sur le mariage homosexuel ? Sur la longueur des jupes ?

On nous en annonce un sur la fin de vie – sujet profond. OUI ou NON à quoi va-t-on être appelés à répondre ? Sur des questions infiniment délicates, toutes en nuances et cas spécifiques, c’est le consensus le plus large qui est à rechercher, non le couperet référendaire. Ou alors pour enregistrer le consensus élaboré ? A quoi bon ?

Au final, le référendum, recommandé en soi, utilisé à tire-larigot, et non avec toutes les précautions nécessaires, est le joujou des démagogues. Il est chéri de ceux qui s’auto-proclament représenter le Peuple, entité mythique, indistincte, dont ils seraient l’expression contre les élites, les puissants, les riches. Ce sont généralement des individus, des leaders qui s’arrogent ce rôle, souvent avec un talent tribunicien – pas des dirigeants de mouvement populaires, même s’ils peuvent recueillir l’assentiment de foules et de masses d’électeurs. Quousque tandem, Catilina, …

Dynamiser l’initiative populaire

Le référendum ainsi nommé tombe sous les critiques de ce qui précède. Mais pas pour autant l’initiative populaire.

En effet, il serait utile que des citoyens partageant en nombre (à déterminer) une préoccupation, en fassent état collectivement (quelle que soit l’initiative de départ qui le suscite, et qui le mette en forme). C’est la bonne vieille pétition, qui pourrait retrouver une nouvelle jeunesse.

Une contrainte institutionnelle à traiter un sujet largement soutenu

Il serait bon qu’une telle initiative, si elle atteint le nombre dit, provoque obligatoirement, institutionnellement, une attention et un traitement de la question, sous une forme ou une autre – et pas un référendum national, par OUI ou NON. Ce peut être évidemment un débat parlementaire, avec obligation d’aboutir, de se prononcer (pas d’approuver). Mais il y a d’autres approches possibles – qui n’excluent pas le passage par le Parlement, in fine.

Les consultations citoyennes

La formule de l’essai qui a été fait à propos de l’environnement a des aspect séduisants : tirage au sort des membres, travail approfondi, auditions d’experts, recherche de consensus, élaboration de propositions concrètes. Elle a aussi montré ses limites. Etendue excessive du champ de réflexion, multitude des propositions, non hiérarchisées, flou voire malentendu sur leur devenir : qu’est-ce qui est contraignant pour l’exécutif, étant entendu que le Parlement reste maître de l’élaboration de la Loi.

N’empêche, la formule pourrait ête multipliée, en particulier sur des questions de société. Mais des questions plus ramassées, avec une restriction à 10 à 20 propositions, par exemple, hiérarchisées, distinguant le réglementaire et le légal.

Un produit d’une telle consultation qui continuerait à être controversé, ou qui aurait généré clivage plutôt que consensus, pourrait faire l’objet d’une consultation plus vaste.

Une consultation d’un échantillon de 2 à 3 millions de citoyens

Une idée, une proposition, dans l’idée de faire participer le grand nombre à la prise de décision, mais sans la solennité, la raideur, les embûches, et l’inévitable remise en cause du pouvoir qui va avec le référendum « classique ».

On en a les possibilités techniques.

On peut tirer au sort une quantité importante de citoyens – répartis sur le territoire – et leur demander de se prononcer sur un sujet en débat.

Pas forcément par OUI ou NON, d’ailleurs : le système vote au jugement majoritaire peut être ici bien plus fécond.

Vote électronique, manuel pour ceux qui préfèreraient, ouvert sur une semaine par exemple, ce ne serait pas un grand drame national, mais le sentiment de tous d’avoir été (ou pu être) consulté ne serait pas négligeable.

Les possibilités locales

Compte-tenu de tout cela, ces implications de citoyens peuvent aussi trouver des applications locales – pas besoin de la dramatisation nationale. Au niveau des communes, métropoles ou départements, régions. Selon les questions posées, les problèmes qui se posent.

Et à ce niveau peut être envisagé la possibilité de révocation d’élus, selon des procédures bien encadrées – ou pourquoi pas même une confirmation à mi-mandat ?
Ainsi, s'il s'agit du niveau national, si besoin était (demande de X% du corps électoral) pourrait-il être demandé au suffrage universel si, OUI ou NON, les citoyens souhaitent le départ du Président, un changement de gouvernement, ou la dissolution de l'Assemblée Nationale - un référendum qui alors répondrait bien à la question posée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire