DES SOLUTIONS NOUVELLES, PAS DE FAUSSES LUNES
Il y a un besoin, chez
chacun, de participer bien davantage aux délibérations, aux décisions qui
concernent notre vie. La représentation politique existante, les rendez-vous de
loin en loin, ne suffisent pas. Il faut améliorer l’implication, animer les
débats. Reste à savoir comment.
Le référendum (d’initiative populaire ou pas)
C’est ce qui a la côte,
l’étendard que l’on déploie, chez Le Pen comme chez Mélanchon, le parangon de
ce qui rendrait la parole au peuple. Sauf à accepter le caractère démagogue de
cette dernière affirmation, mieux vaudrait y regarder à deux fois. Et
distinguer largement.
Le référendum Vème République
Il est prévu dans notre
Constitution actuelle, et beaucoup ont eu lieu. Avec plus ou moins de bonheur.
Je ne suis pas juriste,
encore moins constitutionnaliste, mais en gros … Le référendum est l’outil qui
permet de soumettre au peuple souverain des décisions majeures, qui ont besoin
de sa validation pour être légitimées.
Ainsi d’une révision de la
Constitution, si celle-ci ne trouve pas une majorité des 2/3 des deux
assemblées réunies pour l’approuver, ou si le Président juge l’importance si
cruciale qu’il est besoin du recours au suffrage universel. Pour autant, la
question posée aux électeurs doit être approuvée dans les mêmes termes par les
deux chambres, et ne peut être que OUI ou NON.
De même en cas de traités internationaux,
en particulier impliquant la souveraineté du pays.
Un instrument adapté … mais seulement quand la situation est simple
OUI ou NON tranchent. Ainsi
par exemple lorsqu’il nous a été demandé d’approuver l’autonomie de la
Nouvelle-Calédonie, ou l’entrée de la Grande-Bretagne et quelques autres pays
dans la Communauté Economique Européenne. Au fil du temps d’ailleurs, la
participation à, et donc l’engouement pour, ces exercices formels, obligatoires
mais de peu d’enjeu, a décru. Idem pour la réduction du mandat présidentiel à 5
ans.
C’est autre chose quand
l’enjeu est complexe. Ainsi du Traité de Maastricht où NON a rassemblé le refus
total de l’Europe, mais aussi l’Europe oui mais pas comme ça, OK mais sans
telle clause, et d’autres encore. Pire, le référendum de 2005 sur la
possibilité d’une constitution européenne, sujet extrêmement complexe,
difficilement compréhensible d’ailleurs, et où les positions se sont figées sur
des points secondaires, voire surtout sur le soutien, ou non, au gouvernement –
ce qui avait peu à voir. Quand il n’est pas simple, le recours au référendum à
tend à devenir un plébiscite, un prétexte à relégitimer un pouvoir en place, ce
qui est un total dévoiement. On a en mémoire le référendum sur la
décentralisation, proposé par De Gaulle, et qu’il a perdu, non tant pour le
projet qui pouvait être très fécond, mais par le désir de changement dans le
pays.
Ainsi, lors des trois
derniers mandats, les Présidents se sont bien gardés de soumettre des réformes
au référendum, tant ils étaient conscients que les Français ne se
prononceraient pas tant sur la question posée, que sur eux et leur politique.
Référendum ne dit pas démocratie : danger
Le référendum serait a priori
démocratique. Car expression du Peuple. Et une candidate malheureuse de brandir
le syllogisme : qui ne fait pas de référendum a peur du peuple, n’est pas
un démocrate. C’est largement à nuancer.
On l’a dit, la référendum tourne vite (a tendance à tourner) au plébiscite. La question posée disparaît
derrière un rejet de la politique d’ensemble de qui la pose. Ou au contraire il
est fait appel, à travers une approbation, à une validation du pouvoir – possiblement
pour vaincre un obstacle institutionnel à des pouvoirs désirés. Qui peut
s’opposer, après, à qui a obtenu un aval populaire ?
Autre aspect : la
démocratie n’est pas la dictature de la majorité. Un référendum, sans
garde-fou, peut faire accepter des mesures discriminatoires, clivantes, à
l’égard d’une partie de la population qui y perdrait ses droits légitimes défendus
par la Constitution. Un référendum sur le voile islamique ? Sur la viande
casher ou hallal ? Sur le mariage homosexuel ? Sur la longueur des
jupes ?
On nous en annonce un sur la
fin de vie – sujet profond. OUI ou NON à quoi va-t-on être appelés à répondre ?
Sur des questions infiniment délicates, toutes en nuances et cas spécifiques,
c’est le consensus le plus large qui est à rechercher, non le couperet
référendaire. Ou alors pour enregistrer le consensus élaboré ? A quoi
bon ?
Au final, le référendum, recommandé en soi, utilisé à tire-larigot, et non avec toutes les précautions nécessaires, est le joujou des démagogues. Il est chéri de ceux qui s’auto-proclament représenter le Peuple, entité mythique, indistincte, dont ils seraient l’expression contre les élites, les puissants, les riches. Ce sont généralement des individus, des leaders qui s’arrogent ce rôle, souvent avec un talent tribunicien – pas des dirigeants de mouvement populaires, même s’ils peuvent recueillir l’assentiment de foules et de masses d’électeurs. Quousque tandem, Catilina, …
Dynamiser l’initiative populaire
Le référendum ainsi nommé
tombe sous les critiques de ce qui précède. Mais pas pour autant l’initiative
populaire.
En effet, il serait utile que
des citoyens partageant en nombre (à déterminer) une préoccupation, en fassent
état collectivement (quelle que soit l’initiative de départ qui le suscite, et
qui le mette en forme). C’est la bonne
vieille pétition, qui pourrait retrouver une nouvelle jeunesse.
Une contrainte institutionnelle à traiter un sujet largement soutenu
Il serait bon qu’une telle
initiative, si elle atteint le nombre dit, provoque obligatoirement,
institutionnellement, une attention et un traitement de la question, sous une
forme ou une autre – et pas un référendum national, par OUI ou NON. Ce peut
être évidemment un débat parlementaire, avec obligation d’aboutir, de se
prononcer (pas d’approuver). Mais il y a d’autres approches possibles – qui
n’excluent pas le passage par le Parlement, in
fine.
Les consultations citoyennes
La formule de l’essai qui a
été fait à propos de l’environnement a des aspect séduisants : tirage au
sort des membres, travail approfondi, auditions d’experts, recherche de
consensus, élaboration de propositions concrètes. Elle a aussi montré ses
limites. Etendue excessive du champ de réflexion, multitude des propositions,
non hiérarchisées, flou voire malentendu sur leur devenir : qu’est-ce qui
est contraignant pour l’exécutif, étant entendu que le Parlement reste maître
de l’élaboration de la Loi.
N’empêche, la formule
pourrait ête multipliée, en particulier sur des questions de société. Mais des
questions plus ramassées, avec une restriction à 10 à 20 propositions, par
exemple, hiérarchisées, distinguant le réglementaire et le légal.
Un produit d’une telle
consultation qui continuerait à être controversé, ou qui aurait généré clivage
plutôt que consensus, pourrait faire l’objet d’une consultation plus vaste.
Une consultation d’un échantillon de 2 à 3 millions de citoyens
Une idée, une proposition,
dans l’idée de faire participer le grand nombre à la prise de décision, mais
sans la solennité, la raideur, les embûches, et l’inévitable remise en cause du
pouvoir qui va avec le référendum « classique ».
On en a les possibilités
techniques.
On peut tirer au sort une
quantité importante de citoyens – répartis sur le territoire – et leur demander
de se prononcer sur un sujet en débat.
Pas forcément par OUI ou NON,
d’ailleurs : le système vote au
jugement majoritaire peut être ici bien plus fécond.
Vote électronique, manuel
pour ceux qui préfèreraient, ouvert sur une semaine par exemple, ce ne serait
pas un grand drame national, mais le sentiment de tous d’avoir été (ou pu être)
consulté ne serait pas négligeable.
Les possibilités locales
Compte-tenu de tout cela, ces
implications de citoyens peuvent aussi trouver des applications locales – pas
besoin de la dramatisation nationale. Au niveau des communes, métropoles ou
départements, régions. Selon les questions posées, les problèmes qui se posent.
Et à ce niveau peut être
envisagé la possibilité de révocation
d’élus, selon des procédures bien encadrées – ou pourquoi pas même une
confirmation à mi-mandat ?
Ainsi, s'il s'agit du niveau national, si besoin était (demande de X% du corps électoral) pourrait-il être demandé au suffrage universel si, OUI ou NON, les citoyens souhaitent le départ du Président, un changement de gouvernement, ou la dissolution de l'Assemblée Nationale - un référendum qui alors répondrait bien à la question posée.
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