vendredi 23 novembre 2012

Billet d'Abidjan


Bien plus crispé, cette fois, que la dernière. Sept contrôles, au milieu de la nuit, entre l’aéroport et Deux Plateaux, le sixième à l’entrée du pont Charles De Gaulle. Assez corrects, dans l’attitude, pas d’agressivité inutile – pas débonnaires pour autant – et plusieurs fois, clairement, demande d’argent. Notre refus a été sans conséquences, mais quand même.  Les attaques de commissariats par des groupes pro-Gbagbo il y a quelques temps n’y sont pas pour rien.
J’avais été impressionné l’an dernier  à la même époque, soit à peine plus de six mois après le renversement de Gbagbo. Arrivé de la même façon en pleine nuit – le charme des vols low cost -, sur le même long trajet qui traverse toute la ville, pas l’ombre d’un uniforme, de la circulation, quelques rares promeneurs attardés, retour de boîte sans doute.  Stupéfiant, pour moi qui ai vécu dans tant de pays compliqués, où les barrages étaient légion, même des mois des années après la fin des troubles.

Autre signe, la carte SIM. Pour en acheter une et avoir une ligne locale, il faut désormais être enregistré. Jusque là, rien que de normal. Sécurité oblige. Mais la conséquence : cela exige 48 heures avant mise en service par le réseau. Ca n’arrange pas pour les courts séjours. Rien de grave pour autant : on peut se procurer au marché de Treichville des cartes préenregistrées, mise en route immédiate, même pas plus chères. Le service Plus de l’informel. Et voilà l’initiative de sécurité réduite à néant. La mesure n’emmerde que les gogos, en toute inefficacité. Comme le plus souvent, on ne le dira jamais assez.
Crispation, donc, ces temps-ci. En tout cas nocturne. Dans la journée il n’y paraît pas. Hormis quelques paresseux véhicules de l’ONU qui passent nonchalants.

Dérive aussi un peu. Ouattara, la « promesse d’un avenir radieux ».  Il revient très souvent dans les programmes télé. Tantinet lourd. L’actualité liée au retour du voyage au Vatican et à la crise ministérielle. Mais aussi la préparation d’un voyage encore lointain en province. Ou d’autres sujets. Un discours pas malvenu sur la réconciliation et le pays au travail, certes, mais ça me rappelle – ô jeunesse ! – les télés d’un Eyadéma père, ou d’un Kenyatta, pour ne pas parler de celle d’Idi Amin.
Beaucoup de Ouattara donc, mais aussi beaucoup, à peine moins, de la Première Dame, Dominique Ouattara, qui se répand en fondations, actions d’appui au développement, associations  caritatives, visites aux nécessiteux ou valeureux, initiatives généreuses  dont aucune n’échappe à la sagacité des médias officiels, avant, pendant ou après. Très grande présence. Jusque dans les prises de parole d’Alassane, le mari, qui la mentionne en parlant de « la Première Dame, ma chérie ». Je crois avoir bien entendu.

Quelque dérive, je crains. On la rend, à tort ou à raison, responsable de la loi qu’ADO impose contre une levée de boucliers, la loi sur le mariage qui stipule l’égalité de l’homme et de la femme. Loin de moi l’idée que ce n’est pas une mesure juste. Mais j’ai eu de longues discussions avec mes amis, pas des obtus, de l’Abidjanais modeste,  sur ce qu’un corps social est capable d’accepter en termes de changements,  les rythmes, la cadence. Cette idée d’égalité vient battre en brèche des pratiques séculaires, une réalité plus que largement répandue, des représentations tenaces.  Mon mari reste mon mari, j’entends dire. Même si on sait, au moins depuis Visages de Femmes, le merveilleux film de Désiré Ecaré, qui date je crois des années 80, que quand c’est la femme qui a réussi et fait fortune, comme c’est souvent le cas au marché, la réalité du pouvoir dans la maison n’est pas celle qui est officiellement affichée.  Long débat. Mais ce qui craint davantage : le rejet de la mesure s’accompagne de l’incrimination de la responsable présumée, et arrive aussitôt l’image de l’étrangère, la Blanche – Dominique Ouattara est d’origine française – celle qui a mis le grappin sur son mari, qui prend le pouvoir, qui veut transformer le pays à sa guise. Marie-Antoinette n’est pas loin.
Mon sentiment, celui d’une élite dirigeante qui veut moderniser le pays, le remettre sur les rails de la croissance perdue – hourra ! -, mais dont les références, la bulle où elle vit, appartiennent à la globalisation. Une élite internationalisée, qui ne se préoccupe pas des réalités quotidiennes des gens, qu’elle ignore certainement. Qui veut réformer à marche forcée, rationnellement selon sa logique, et dont la pratique devient autoritaire.  Gare au Shah d’Iran.

Néanmoins , avant de terminer, si je parlais d’une présence forte de Ouattara à la télé, il faut souligner  que continuent à pulluler aux étalages les journaux pro-Gbagbo, avec leurs titres ravageurs, au style inimitable comme aux plus beaux jours, cette capacité à tordre le langage pour affirmer avec la plus complète mauvaise foi que le rouge est vert. Le Sophiste a trouvé son asile. Il faudra un jour qu’un linguiste analyse les ressorts de cette rhétorique. Autre signe, la présence aux devantures des librairies d’un Abobo La guerre, épais ouvrage qui relit la crise postélectorale en plaidoyer gbagboïste, dont la thèse ressassée est qu’en fait ce sont les forces françaises qui ont enlevé Gbagbo, et installé Ouattara – usurpateur – au pouvoir. Les bras continuent à m’en tomber. Quand les forces de Ouattara avaient réduit  les positions de Gbagbo à quelques arpents autour de la présidence et au quartier de Yopougon, une fois l’ensemble du pays tombé comme un fruit mur entre leurs mains, sans intervention de l’ONU ni de la France, quand la partie est ainsi jouée, hors la capacité du dernier carré à tuer encore et détruire dans une résistance aveugle, le vainqueur est établi,  qu’importe alors qui donne  l’estocade ou le coup de grâce ? Mais revenons au propos : si la propagande du gouvernement est lourde, l’opposition s’exprime, et bruyamment.
Abidjan demeure.

vendredi 5 octobre 2012

En invoquant le blasphème, c'est la liberté qui est visée


Sous ce titre, dans l'édition du Monde d'aujourd'hui, une très intéressante contribution de Rachid Azzouz, Mazarine Pingeot, Philippe-Gabriel Steg, Mohamed Ulad et Isabelle Wekstein, dont je retiens quelques extraits.
Après avoir évoqué des cas où la question du blasphème est au coeur de l'actualité (projection au sol de versets à Toulouse, demande de l'OCI de reconnaître le blasphème dans le droit international, revalorisation de la prime contre Rushdie) ...


(...)  Il apparaît clairement que, derrière le blasphème, c'est la liberté religieuse qui est en jeu.
Ce qui se joue au travers de ces phénomènes simultanés est une double guerre. La première est une guerre menée au sein du monde arabo-musulman par des minorités financées par les forces les plus rétrogrades de l'islam wahhabite et chiite pour imposer par la force des dictatures théocratiques islamistes à une majorité souvent indifférente et une minorité démocrate mais apeurée. La seconde est une guerre d'intimidation menée par les mêmes contre l'Occident et sa liberté de pensée et d'expression, guerre qui se joue ici.
Dans ce double conflit, toute politique d'apaisement ou de compromis avec le terrorisme, que ce soit celui de la pensée ou celui des bombes, n'est pas seulement une capitulation inutile, c'est un coup de poignard dans le dos des démocrates et des libéraux du monde arabo-musulman. (..)



Je voudrais  réagir à leur évocation de la majorité musulmane "démocrate mais apeurée". Ce dernier mot est-il juste ? Intimidée certes, piégée - figure classique - entre la prise de distance, qui lui vaut l'accusation d'être contre l'Islam de la part des extrémistes, et le silence - qui la rend de fait complice et favorise dans la société l'amalgame et la peur de l'Islam, perçu en bloc. 
Il est grand temps que les Musulmans modérés, démocrates, éclairés, normaux –peu importe l’appellation : les héritiers de ce que des siècles d’Islam ont produit de meilleur -  s'expriment  fort et clair sur quelques points cruciaux, prennent nettement position. Et que les médias relaient haut et fort cette expression.
Au moins trois points. 
D'abord, une nation ou communauté n'est pas responsable des agissements d'un de ses membres, ou d'une minorité en son sein. Les Musulmans en sont victimes, mais les réactions à "L'innocence...." procèdent de cette même attitude. 
Ensuite, la loi ne saurait considérer comme crime ou délit un fait de nature religieuse (blasphème, apostasie, ...). Avancée de la Révolution, le combat d'idées se mène par les idées. 
Enfin, le sacré pour soi ne l'est pas forcément pour les autres. On peut le regretter, mais on doit l'accepter.

samedi 29 septembre 2012

Les Shebab dans l’est africain : tumeur et métastases (1) la tumeur


Un an après l’enlèvement d’une Française, les Shebab sont chassés de Kismaayo.


Triste anniversaire
Voilà un an demain qu’un groupe armé venu de Somalie enlevait la française Marie Dedieu, dans l’archipel de Lamu. Elle devait mourir moins d’un mois après, faute des soins que son cancer à un stade avancé exigeait. Une semaine auparavant, c’était une anglaise qui avait été enlevée, selon un scénario identique, après que son mari qui avait tenté de résister eut été abattu. Judith Tebutt a été libérée en mars 2012, contre versement d’une forte rançon.
Le procès d’un membre du personnel de l’hôtel de Kiwayu où avait eu lieu le kidnapping, accusé de complicité, a fait ressortir le rôle de riches Somalis du coin, pour fournir la logistique des raids effectués par des équipages locaux. Une telle opération pouvait se révéler lucrative en rétrocédant les otages pour une poignée de milliers de dollars aux Shebab qui contrôlaient la partie sud du pays. Eux pouvaient s’en servir dans leur visée terroriste, et les négocier à fort prix.
Ces deux attaques à partir de la Somalie contre des touristes étrangers ont provoqué, au mois d’octobre suivant, l’invasion par le Kenya de la bande frontalière pour nettoyer la zone et faire cesser ces attaques désastreuses pour l’économie touristique, et la sécurité du pays.
Où en est-on de cette branche du conflit qui s’étend du Sahel à l’Afrique de l’Est ?
Elle ne manque pas d’actualité : les forces kényanes, avec celles de l’Union Africaine (AMISOM) ont pris ce vendredi 28 septembre la ville de Kismaayo, la dernière place tenue par les Shebab.

La prise de Kismaayo
Cette victoire met fin au contrôle du sud de la Somalie par cette mouvance fondamentaliste et terroriste liée à Al-Qaida,.
Les Shebab en avaient pris le contrôle en 2007 lors qu’ils avaient débandé les Tribunaux Islamiques  – une organisation fondamentaliste du même tonneau - qui y exerçaient leur pouvoir.
Elle est l’aboutissement d’un processus de reconquête qui aura duré un an.
Les forces de l’AMISOM (African union Mission in SOMalia), avaient été dépêchées sur place en 2007 par l’Union Africaine pour soutenir le gouvernement de transition somalien (TFG) qui ne contrôlait quasi rien d’un pays en situation d'anarchie, éclaté entre divers pouvoirs et mouvances, dont la plus virulente était les Shebab. Ceux-ci avaient pour objectif l’établissement d’un Etat islamique, et une stratégie de terrorisme régional. L’AMISOM a reçu mandat des Nations Unies l’année suivante. Composées essentiellement de soldats ougandais et burundais, soutenues par Djibouti et la Sierra Leone, ses forces étaient confinées dans certains secteurs de la capitale, Mogadiscio. Elles tentaient d’œuvrer de concert avec les faibles troupes du gouvernement du TFG.
Ce n’est qu’en août 2011 que la situation a commencé à évoluer, quand les Shebab ont abandonné la plupart de leurs positions dans Mogadiscio. Tout en y conservant de fait des bastions, qui ont encore un moment gelé la situation.
Cependant, l’intervention kényane dans le sud où les Shebab avaient établi l'essentiel de leur pouvoir, avec Kismaayo comme centre stratégique, a provoqué un affaiblissement de leurs positions.
L’AMISOM s’est trouvée renforcée, puisque les forces terrestres kényanes sont venues rejoindre les soldats ougandais et burundais sous un même commandement opérationnel – tandis que le Kenya conservait autonomes ses moyens aériens et navals engagés dans l’opération. De nombreuses réunions de concertation ont eu lieu à Nairobi et Addis-Abeba pour coordonner les activités.
A partir de janvier 2012, l’AMISOM à partir de Mogadiscio a pu progressivement desserrer l’étau et reprendre, avec la Somali National Army, bras armé duTFG, le contrôle de zones de plus en plus grandes du pays, vers le sud, tandis que les Kenyans progressaient en sens inverse.
Un pas décisif a été effectué en juin dernier avec la prise d’Afhadow, dont les Shebab avaient fait un de leurs grands centres militaires. La route de Kismaayo, le port capitale du sud de la Somalie, était désormais ouverte, d’autant que des bâtiments de la marine kényane avaient pris position en face de la ville et commencé le 23 août à bombarder les défenses militaires et les zones où les dirigeants shebab étaient supposés résider.
La progression s’est faite lentement, avec la prise de bourgs en chemin, Miido le 31 août, Biibi et Harbole le 5 septembre.
La prise de Kismaayo semble avoir été le résultat d’une ruse. Alors que tout laissait croire à une offensive imminente, appuyée par l’aviation, des troupes terrestres de l’AMISOM massées autour de la ville, ce sont des troupes kényanes, acheminées par un navire de guerre récemment acquis, qui ont débarqué nuitamment dans le port et facilité la prise de contrôle de la ville, apparemment sans se voir opposer de grande résistance.
Sans Kismaayo, les Shebab ne disposent plus d’aucune localité d’importance, d’accès à la mer, de voies d’approvisionnement ni de positions fortes. Le Sud Somalien n’est plus sous leur contrôle.

Une victoire africaine
Il est intéressant de noter ce développement, qui marque la défaite d’une branche importante, et certainement la plus anciennement implantée, de la nébuleuse fondamentaliste et terroriste, liée à Al-Qaida, qui se déploie en Afrique d’est en ouest et dont les autres relais d’importance sont Boko Haram au nord Nigeria, Aqmi et des filiales au Sahel. Une bonne nouvelle là où il y en a peu.
Intéressant aussi que ceci ait été le résultat d’une intervention concertée des Africains eux-mêmes, fort peu appuyés par la communauté internationale. Que l’AMISOM soit financée, même largement, par l’ONU ne change rien à l’affaire. Il est en général de bon ton de considérer avec condescendance l’inefficacité de l’Union Africaine, et des pays du continent. De se désoler de leur incapacité à gérer leurs conflits. De tenir pour évidence leur absence de moyens, et leur inaptitude à les utiliser. Quand les Kenyans sont intervenus en Somalie, nombre d’observateurs ont souri, et prédit que les farouches guerriers somaliens n’en feraient qu’une bouchée. Et l’AMISOM a fait longtemps ricaner. Il y a certainement une leçon à tirer, et il conviendrait de rendre justice.
Intéressant enfin que, ceci qui précède expliquant peut-être cela, on n’en entende si peu parler dans nos médias, tout au plus des articles relégués dans la rubrique Monde. Pour spécialistes avertis. DESOLANT
Cependant, si les Shabab ont perdu le sud de la Somalie, le problème reste grave : leur influence dans la région, et la capacité de nuisance de leurs réseaux sont toujours là.

lundi 23 juillet 2012

How to worship the Nigerian god

Excellent, ce texte de John Elnathan, publié le 12 juillet dans DAILY TIMES, un journal nigérian. Caustique, décapant, mais si vrai. Si vous voulez comprendre l'importance du religieux dans le quotidien de quasi tout le monde là-bas. Comment ca fonctionne. Ca prête à sourire, mais il y a quelque chose à saisir là dedans, dans cette religiosité sans spiritualité, dans cette foi sans transcendance, dans cette piété sans morale, qui me reste mystérieuse et qui structure l'intégration de tant de gens dans la modernité.

The Nigerian god is one. It may have many different manifestations, but it is essentially different sides of the same coin. Sometimes, adherents of the different sides may fight and kill each other. But Nigerians essentially follow the Nigerian god.
This article is for all those who want to become better worshippers. If you are a new or prospective convert, God will bless you for choosing the Nigerian god. This is just how you must worship him.
First, you must understand that being a worshipper has nothing to do with character, good works or righteousness. So the fact that you choose to open every meeting with multiple prayers does not mean that you intend to do what is right. The opening prayer is important. Nothing can work without it. If you are gathered to discuss how to inflate contracts, begin with an opening prayer or two. If you are gathered to discuss how to rig elections, begin with a prayer. The Nigerian god appreciates communication.
When you sneak away from your wife to call your girlfriend in the bathroom, and she asks if you will come this weekend, you must say—in addition to “Yes”—“By God’s grace” or “God willing”. It doesn’t matter the language you use. Just add it. The Nigerian god likes to be consulted before you do anything, including a trip to Obudu to see your lover.
When worshipping the Nigerian god, be loud. No, the Nigerian god is not hard of hearing. It is just that he appreciates your loud fervour, like he appreciates loud raucous music. The Nigerian god doesn’t care if you have neighbours and neither should you. When you are worshipping in your house, make sure the neighbours can’t sleep. Use loud speakers even if you are only two in the building. Anyone who complains must be evil. God will judge such a person.
Attribute everything to the Nigerian god. So, if you diverted funds from public projects and are able to afford that Phantom, when people say you have a nice car, say, “Na God”. If someone asks what the secret of all your wealth is, say, “God has been good to me”. By this you mean the Nigerian god who gave you the uncommon wisdom to re-appropriate public funds.
Consult the Nigerian god when you don’t feel like working. The Nigerian god understands that we live in a harsh climate where it is hard to do any real work. So, if you have no clue how to be in charge and things start collapsing, ask people to pray to God and ask for his intervention.
The Nigerian god loves elections and politics. When you have bribed people to get the Party nomination, used thugs to steal and stuff ballot boxes, intimidated people into either sitting at home or voting for you, lied about everything from your assets to your age, and you eventually, (through God’s grace), win the elections, you must begin by declaring that your success is the wish of God and that the other candidate should accept this will of God. It is not your fault whom the Nigerian god chooses to reward with political success. How can mere mortals complain?
The Nigerian god does not tolerate disrespect. If someone insults your religion, you must look for anyone like them and kill them. Doesn’t matter what you use—sticks, machetes, grenade launchers, IED’s, AK47’s.
The Nigerian god performs signs and wonders. He does everything from cure HIV to High BP. And the Nigerian god is creative: he can teach a person who was born blind the difference between blue and green when the man of god asks, and he can teach a person born deaf instant English. As a worshipper you must let him deliver you because every case of sickness is caused by evil demons and not infections. Every case of barrenness is caused by witches and has no scientific explanation. So instead of hospital, visit agents of the Nigerian god. But the Nigerian god does not cure corruption. Do not attempt to mock him.
If you worship the Nigerian god, you are under no obligation to be nice or kind to people who are not worshippers. They deserve no courtesy.
The Nigerian god is also online. As a worshipper, you are not obliged to be good or decent on Facebook or twitter all week except on Friday and Sunday, both of which the Nigerian god marks as holy. So you may forward obscene photos, insult people, forward lewd jokes on all days except the holy days. On those holy days, whichever applies to you, put up statuses saying how much you are crazy about God.
These days, the Nigerian god also permits tweets and Facebook updates like: "Now in Church" or "This guy in front of me needs to stop dozing" when performing acts of worship.
In all, the Nigerian god is very kind and accommodating. He gives glory and riches and private jets. And if you worship him well, he will immensely bless your hustle.

dimanche 1 juillet 2012

Deux églises attaquées à Garissa


LE MONDE 01/07/2012 - 17h41
Se garder de confondre l'islam et les fondamentalistes intégristes ou leurs prolongements armés que sont les mouvements politiques qui font du terrorisme leur moyen d'action - comme c'est le cas des Shebabs de Somalie. Garissa est une ville kényane dont la population en grande majorité appartient à l’ethnie somalie (pas confondre avec les citoyens somaliens), de tradition musulmane. Les Shebabs qui sont combattus par l'armée kenyane s'en prennent aux chrétiens,Kenyans exogènes, installés dans la ville

Il y a donc une stratégie visant à créer une solidarité ethnique entre somalis du Kenya et de Somalie, en même temps qu'une solidarité religieuse entre Musulmans contre les Chrétiens. Ce sont les fondamentalistes qui veulent entraîner le conflit - dans l'Est africain comme ailleurs de par le monde - sur un terrain d'affrontement religieux. il faut bien se garder de les y suivre, et favoriser la solidarité avec tout ce que l'Islam compte de modérés, de tolérants. Les aider à vaincre.

samedi 16 juin 2012

Mort au trimestre !!!


L’actualité bruit –presque autant que des législatives ou de la crise de l’euro – du débat sur la longueur des vacances de Toussaint. Deux jours de plus, de moins l‘été, rentrée la veille... Le changement serait de s’interroger sur la survie du bon vieux trimestre, sur sa pertinence actuelle.
D’où sort-il ? Mes bons vieux souvenirs, les vacances de Noël et de Pâques découpaient trois belles tranches. La quatrième, c’était l’été, les vacances, à mordre à pleines dents jusque presque fin septembre. Entre temps, les années bonnes, quelques gros weekends selon comment tombaient les jours fériés.
Tout cela a bien changé. Les travaux des champs avaient déjà cessé d’imposer leur rythme au calendrier scolaire. Septembre est devenu studieux. Il est apparu plus sain de faire alterner des périodes de sept semaines de travail avec si possible deux de repos, tout en jonglant avec les grandes fêtes, Noël et Jour de l’An. Exit Pâques, qui tombe ou non pendant des vacances qui ne portent plus ce nom, devenues plutôt et d’hiver et de printemps.
Mais cela a perturbé un équilibre, qu’il a fallu retrouver. Du coup, le premier trimestre se termine fin novembre, le second quelque part fin mars ou début avril. C’est bancal !
En effet, une fois les notes arrêtées pour les conseils de classe, qui se tiennent courant décembre, chacun, sans se l’avouer, attend en roue libre ou presque les vacances de Noël. Difficile de se remotiver pour se dire que c’est déjà le second trimestre qui court. Trois semaines molles. De ce second trimestre, il ne reste donc en janvier qu’au mieux six bonnes semaines, interrompues par des vacances d’hiver parfois fort précoces. Ca casse le rythme, et les jambes.
Il se termine, le second, au milieu de nulle part, limite tout aussi abstraite que les 45° de latitude ou le méridien de Greenwich, pourtant décisifs. Là encore, rien qui le marque, on passe au dernier trimestre pendant que des conseils de classe arrivent à se coincer entre des vacances, et quand on revient de celles de printemps, on sent bien que les carottes sont cuites : quelques semaines et c’est la débandade des examens, des révisions, des bouclages hâtifs de programmes, entre deux voyages à l’étranger, présentation des pièces de théâtre et œuvres de l’année, au milieu des semaines de mai à trous et à ponts. Bref sauf pour ceux qui bachotent, on n’est pas dans la concentration absolue.
Ma proposition : vive le semestre (ou un autre nom à trouver, car ils ne font pas six mois, mais qu’importe). Le premier se clorait aux incontournables fêtes de fin d’année. Le second reprendrait en janvier jusqu’aux grandes vacances.
Les objections déjà pleuvent. Voyons-en quelques unes.
Longueurs différentes. Certes. Mais le second doit inclure toute cette partie en demi-teinte d’examens et d’activités diverses et variées, période de clôture, queue de comète, qu’il faut intégrer, et qui rétablit de l’équilibre dans la durée effective de travail concentré.
Les vacances  intermédiaires ? Pareil. L’alternance sept/deux fait ses preuves. Le premier semestre comprendrait ainsi deux séquences de sept ou huit semaines effectives, l’échéance de fin de semestre en décembre conserverait les muscles bandés. Les deux périodes de vacances d’hiver et de printemps ponctueraient le second trimestre en trois séquences plus brèves.
Les conseils de classe. Ils sont en effet essentiels pour une appréhension globale de l’élève, pour le conseiller, lui envoyer des messages. Il y en a trois aujourd’hui, et ce n’est pas de trop, à chaque fin de trimestre. Mais sont-ils bien placés ? Le premier, courant décembre, arrive bien tard. Combien d’élèves découvre-t-on sous un jour nouveau à cette occasion ? Combien de fois où, quand l’équipe pédagogique se réunit pour parler de chacun, un point est soulevé, une facette de la personnalité d’un élève apparaît, qui change le point de vue. Mais il est déjà bien tard. L’année est très largement entamée, les plis sont pris, le paquebot est lancé … Le second conseil, en mars ou avril, envisage les décisions d’orientation à venir, et ne peut souvent aller au-delà d’incantatoires « doit se ressaisir si …», ou « doit améliorer ses notes en … s’il veut… ». Mais quand arrivent ces exhortations avec le bulletin, il ne reste plus rien ou presque pour changer le cours des choses.
Le rythme du semestre permettrait une première réunion de l’équipe  pédagogique vers la Toussaint. Une première concertation, en format plus léger qu’un conseil. Le premier vrai conseil, avec notes et moyennes, en janvier, pourrait déjà se prononcer sur un parcours, et donc sur des perspectives, des rectifications de trajectoires qui apparaîtraient à l’élève comme des objectifs possibles. Faut-il un autre point à mi parcours du second semestre, avant le conseil de fin juin ? Ce n‘est pas à exclure.
Le semestre – largement pratiqué dans l’enseignement supérieur – semble donc s’adapter mieux aux rythmes qui au fil des ans ont remodelé le temps scolaire de la IIIème République. Il aurait aussi un autre avantage – ici provocation – il permettrait l’introduction d’enseignements semestriels qu’il serait bon de réenvisager, jetés qu’ils ont été avec l’eau du bain de la réforme Darcos.

dimanche 10 juin 2012

Réaction à la mort de Saitoti


Accident d'hélicoptère au Kenya : un ministre parmi les victimes
Le Monde.fr avec AFP | 10.06.2012 à 12h01 • Mis à jour le 10.06.2012 à 12h01
Six personnes sont mortes brûlées vives, dont le ministre de la sécurité intérieure kenyan, George Saitoti, dimanche 10 juin dans l'accident de leur appareil près de la capitale Nairobi, selon des informations communiquées par une source policière sur place.
"Nous avons malheureusement perdu M. Saitoti et le ministre délégué Orwa Ojode", a confirmé le vice-président du pays Stephen Kalonzo Musyoka. Parmi les victimes se trouvent également les deux pilotes de l'appareil et les deux gardes du corps des responsables gouvernementaux
George Saitoti, ministre de l'intérieur kenyan,.
AFP/SIMON MAINA
L'hélicoptère de police, muni de petites ailes fixes, est fabriqué par la société Eurocopter. Cet appareil s'est écrasé à 08 h 30 locales dans la forêt de Kibiku, dans les collines de Ngong proches de Nairobi, peu après avoir décollé de l'aéroport Wilson à Nairobi.
Le Kenya a subi ces derniers mois une série d'attentats, attribués systématiquement par le gouvernement aux islamistes somaliens shebab, et en tant que ministre de la sécurité intérieure, M. Saitoti était impliqué dans les mesures de sécurité prises à l'encontre de ces derniers. Mais rien à ce stade ne permet d'accréditer la thèse d'un attentat plutôt que celle d'un accident

RIP, selon  l'expression désormais consacrée sur Facebook.

Bien entendu, la question se pose immédiatement de l'accident ou de l'attentat. L’article évoque la piste Shebab, Ils sont les responsables de bien des attentats récents. Ce n’est donc pas à exclure.  Mais il faut aussi se souvenir de qui était Saitoti.

Avant d'intégrer le gouvernement de Kibaki et Odinga, il a été pendant la présidence d'Arap Moi l'éminence grise, voire noire du régime. D'origines mêlées, il s'est posé en leader agressif des Kalenjin (l'ethnie de Moi, pour simplifier, la troisième composante majeure de la société kényane avec les Kikuyu et les Luo). Son nom a été cité dans chaque affaire trouble, de corruption ou criminelle de ces années-là (scandale Goldenberg, assassinat d'Ouko par exemple) sans qu'on ait pu jamais le mettre en cause directement. Force politique incontournable, il avait réussi sa reconversion à l'arrivée au pouvoir de Kibaki. Ou plus certainement à s'imposer. Il ne manquait donc pas d'ennemis.

samedi 9 juin 2012

Comment un accident d'avion devient l'occasion de meubler le vide avec des généralités dénigrantes



Le journalisme à deux balles a encore frappé. Mais d’abord l’article.
A Lagos, le crash d'un Boeing ajoute au chaos ambiant
Le Monde.fr | 05.06.2012 à 15h02 • Mis à jour le 05.06.2012 à 15h02

Le chaos régnait à Lagos dimanche 3 juin au soir, après le crash d'un avion de ligne qui a heurté de plein fouet un immeuble du quartier pauvre et surpeuplé d'Iju Ishaga Agege. Aucune des 153 personnes à bord de ce Boeing de Dana Air - dont le journal Nigerian Tribune publie la liste - n'aura survécu à l'accident. A terre, d'autres victimes ont succombé au choc, à l'incendie et à la confusion qui ont suivi- les corps de quatre premières victimes ont été découverts mardi. 

Les habitants tentent d'aider les pompiers sur le site du crash, le 3 juin.
AP/Sunday Alamba 
Images et témoignages sur place laissent entrevoir une foule de milliers d'habitants qui n'a pas tardé à s'amasser autour de la scène du crash, bloquant l'accès aux équipes de secours. Des militaires ont tenté de les disperser à coup de gourdins en caoutchouc et de jets de planche. Ils ont reçu en retour des jets de pierre, tandis qu'un hélicoptère avait les plus grandes difficultés à atterrir. Seuls quelques véhicules de secours ont réussi à se frayer un chemin jusqu'au site, où gisaient au milieu des décombres en feu une aile détachée de la carlingue et un réacteur déchiqueté.
Dans ce décor encore fumant, les pillages ont immédiatement suivi l'accident, relate à l'AFP un commerçant d'Iju Ishaga, qui n'a pas attendu une seconde, quand il a pris connaissance de la nouvelle, avant de fermer son bar. Car ces scènes font partie de la norme, dans cette ville considérée comme l'une des plus dangereuses du monde, explique Maud Gauquelin, chercheuse associée à l'IFRA (Institut français de recherche en Afrique) et au Cemaf de Paris (Centre d'études des mondes africains) : "Comme dans le cas des camions citernes ou des oléoducs qui explosent fréquemment, par manque de vigilance et de maintenance, les pillages sont monnaie courante. Car le pays est très riche, mais la grande majorité de la population vit avec moins de un euro par jour."
"Quand un cadavre est sur la chaussée, on ne le ramasse pas, principalement pour ne pas être suspecté de meurtre. Le dépouiller est 'naturel', les gens ont tout simplement faim, très faim. Ils jeûnent fréquemment par manque de moyens, surtout dans ces quartiers", poursuit-elle. Ainsi se dessine, derrière ces scènes pour le moins chaotiques, le visage de la mégapole nigériane - cette ancienne colonie britannique dont l'expansion a largement débordé de la lagune qui lui donna son nom. Et qui atteint aujourd'hui entre 15 et 20 millions d'habitants (les statistiques restent impuissantes à chiffrer avec exactitude sa démographie), dans le pays lui-même le plus peuplé d'Afrique.         
UNE MÉGAPOLE EN GRAND ÉCART
Aux abords de Lagos, la capitale économique du Nigeria, le 21 avril.
REUTERS/AKINTUNDE AKINLEYE
Un habitant français du Nigeria, contacté par le Monde.fr, la décrit comme "une mégapole lagunaire, très particulière, au bâti très dense, à cheval entre le continent et diverses îles reliées entre elles par d'immenses ponts". La ville n'est pas la capitale officielle du Nigeria, mais bien "son cœur économique et industriel, et l'un des plus grands ports d'Afrique", souligne-t-il.
Elle est aussi, dit Maud Gauquelin, un "centre de télécommunications, un aéroport international, un centre financier mondial. C'est par Lagos que transite l'économie du pays, que ce soit vers les autres capitales africaines, les Etats-Unis, l'Europe ou encore la Chine." Bref, c'est un "hub". Et pourtant. Les routes y sont mal entretenues, les bouchons, endémiques, et les coupures d'électricité, très récurrentes. 
Dans Les rues de Lagos, espaces disputés/espaces partégés, l'historien Laurent Fourchard explique ainsi qu'il faut bien se garder d'esthétiser cet art consommé du chaos, qui n'est pas forcément du goût des Lagossiens eux-mêmes : sur l'économie informelle qui envahit l'espace urbain par exemple, "la presse locale n'a pas cessé de critiquer l'incapacité du gouvernement à trouver une solution durable face à la vente ambulante souvent perçue comme une 'menace', qui participe de l'insalubrité générale, qui entrave la circulation et qui représente un danger évident pour des dizaines de milliers d'enfants".
A l'image du morceau du maître de l'afrobeat nigérian Fela Kuti, , Lagos est ainsi la ville du grand écart. Une cité "en état de tension permanente", qui "continue de croître dans une violence qui n'a d'égal que son dynamisme", décrit un article du Monde diplomatique. "Vus d'avion, les gratte-ciel de la marina, sur l'île de Lagos, évoquent une sorte de Manhattan. Vus d'en bas, les abords de Broad Street ressemblent à un Bronx tropical", dépeignent les auteurs. Dans cette ville fébrile où le racket est quotidien, "la vie va, et tout le monde cohabite. Deux cent cinquante ethnies sont ici rassemblées, soit autant de langues, de coutumes, de modes de vie, de valeurs, de croyances", explique un autre article, de Jeune Afrique. Bref, "la vraie vie, c'est Lagos ou New York City, la ville-qui-ne-dort-jamais."

Angela Bolis



A lire l'article, on perçoit la personne qui s'est trouvée fort dépourvue à devoir parler d'une ville dont - cela n'a rien de coupable - elle ignorait tout, quelles idées reçues et images toutes faites exceptées, à l'occasion de l'événement dramatique du crash d'un avion sur un quartier de la ville.

Réflexe, au-delà de la dépêche AFP, relire quelques articles ou ouvrages, téléphoner à la chercheuse sur place ou presque, parole d'autorité, et aussi à un résident anonyme donc autorisé.

Je me suis trouvé occasionnellement, plusieurs fois, dans le cas de la personne interrogée, parce qu'on avait donné mon contact, à travers l'homme qui connait l'homme qui .... J’ai souvent peu reconnu l’essentiel de ce que j’ai dit, plutôt une ou deux phrases hors contexte.

Jusque là, péché véniel. Mais deux remarques.

Point, jamais, de référence à la presse locale. Pardon, un lien, pour la liste des victimes, avec le Nigerian Tribune. Il y a à Lagos d'excellents journaux, une presse abondante, qui sont en ligne. S'il s'agissait de rendre compte de l'événement, et eux l'ont fait, ils auraient pu être une source d'information. Ils auraient pu nourrir une analyse du crash - parler de la vétusté de certains avions, mais aussi de l'hypothèse loin d'être exclue d'un attentat de Boko Haram. Mais rien de tel !! Quel mépris! Faute d'informations sur le crash lui-même, que les sources téléphoniques ou d’archives étaient bien en peine de donner, l'article en vient à porter sur la ville de Lagos elle-même, en général, occasion à saisir pour faire du papier.

Et là, on abonde dans le cliché, la généralisation hâtive et le dénigrement à sensation. On choisit dans les sources ce qui sert le propos. Les pillages - en effet, dès que l'occasion se présente, un camion qui se renverse, les gens se précipitent ; à Lagos, mais ailleurs aussi en Afrique, et même il y a eu quelques émeutes à Londres, ou une histoire de billets distribués au Champ de Mars voilà quelque temps. Les badauds qui freinent les secours - idem -, la recommandation de ne pas secourir un blessé de crainte de se voir prendre à parti - hélas réflexe à avoir partout en Afrique et dans d'autres continents. Lieux communs qui traînassent sur les pays du Sud.

J'exagère? il n'y a pas dénigrement gratuit dans le seul but de sensationnel? Prenez la phrase " Dans cette ville fébrile où le racket est quotidien, la vie va...". C'est quoi ce racket? De quoi est-il question? De RIEN, pas de développement, mais cela en remet une couche, ajoute du noir au tableau.

On n'a pas peur des contradictions entre l'article et la légende d'une photo montrant "Les habitants tentent d'aider les pompiers sur le site du crash, le 3 juin". Ou du n'importe quoi : il aurait fallu deux jours pour "découvrir" les corps des "quatre premières victimes" ? On n'a pas confondu avec "identifié" ? 

Lagos est une grande ville de près de 20 millions d'habitants. Certes, il y a des misérables, des gens qui luttent pour survivre au quotidien, qui sont souvent prêts à tout pour cela, à risquer leur vie inconsidérément, allez disons un million, à l'énorme louche. Mais il en reste 19 autres, qui travaillent, qui étudient, qui produisent, qui créent, qui grandissent. Dans un immense dynamisme comme on en voit peu en Afrique. Dans un pays qui ne vit pas de l'aide internationale. Qui peut aussi dans son ébullition époustoufler d'ordre et de discipline : allez prendre un bus rouge à Oshodi, vous verrez des gens faire des queues de plus d'une centaine de mètres, attendre leur tour pour monter un par un dans le bus qui arrive. Ca m'a époustouflé. On est loin d'en être capables en France. C'était en février dernier à Lagos. Mais foin de tout cela, mieux valent les clichés et les chromos d'Epinal. Quitte à jeter l'opprobre sur toute une population.

Et pas un mot d'intérêt pour les victimes, à bord ou au sol. Du journalisme à deux balles je vous dis.

Comment

lundi 28 mai 2012

Mariage et union, encore un effort pour être républicain

« Je propose, au lieu d’ouvrir le mariage, de le supprimer ou plutôt de le confondre avec le PACS en un contrat universel ouvert à davantage de possibilités ». Cette phrase trouvée dans un compte-rendu de  Le contrat universel : au-delà du mariage gay, de Lionel LABOSSE (1), correspond tellement à des idées qui me trottaient depuis très longtemps dans la tête (j’ai des témoins) que, sans avoir lu l’ouvrage, je voudrais avancer quelques arguments dans le même sens.

Car l’enjeu me semble moins celui du mariage gay, qui agite le monde, que le questionnement du mariage lui-même et son dépassement dans les sociétés contemporaines, au crible de la laïcité.

Dissocier union et sexualité


De fait, le mariage implique la relation sexuelle entre ceux qu’il unit. Il la permet, pour les religions qui l’interdisent en dehors de ce lien. Il la restreint, dès lors que toute relation sexuelle autre est cause reconnue de rupture du mariage. Il la transcende, pour certains, dans la proclamation d’un amour  réciproque.

Mais la société républicaine, et laïque, a-t-elle à connaître de la vie sexuelle des individus, et encore plus à la régir ? La formule prononcée par l’officier d’état-civil qui procède à un mariage mentionne l’obligation de fidélité, et de vivre sous un même toit. Est-ce bien nécessaire ?

L’évolution des mœurs a largement libéralisé le sexe avant, pendant  et après mariage. Ce qui très largement n’est même plus considéré comme une infidélité n’est invoqué, de fait, comme raison de divorce que lorsqu’il y a volonté de divorce. C'est-à-dire de mettre fin à une union qui n’est plus désirée, voulue. Où l’un au moins ne se sent plus heureux. Une relation sexuelle hors mariage peut être une raison valable – et légalement reconnue – de divorcer, ce n’est plus (cela n’a jamais vraiment été) une cause suffisante.

Dans une république laïque, la loi n’a pas à considérer qui couche avec qui. Ni même à préconiser ce qui est bon ou pas en la matière. J’entends entre gens majeurs et consentants, bien entendu. La fidélité au sens traditionnel, l’exclusivité de la relation sexuelle avec le conjoint, relève de l’engagement individuel, du libre choix fait entre deux personnes, et dont les éventuels manquements se gèrent entre elles, selon les accommodements ou non qu’elles auront décidé. D’ailleurs, la fidélité aujourd’hui, dans la pratique, a un tout autre contenu, s’accommode d’écarts, de coups de canifs, d’arrangements dans un vaste éventail qui va jusqu’au modus vivendi de Sartre et Beauvoir. La fidélité, l’exclusivité à l’ancienne se justifiait surtout comme liée à la succession : avoir l’assurance que la progéniture avait bien été conçue par Monsieur, et que seraient exclus de l’héritage ce qu’il aurait pu concevoir à droite ou à gauche. L’évolution de la législation sur ce point, l’extension des familles recomposées, la reconnaissance de paternité, ont changé la donne et donné à la fidélité un sens plus profond, plus spirituel, plus authentique. Mais aussi la lient au domaine strictement privé, au même titre que le religieux. J’y vois un progrès certain.

Inversement, pourquoi deux personnes, qui voudraient partager leur vie et leur destin,  devraient-elles copuler ? Leur union ne pourrait-elle être reconnue que si elles sont sensées coucher ensemble – et exclusivement ?  Là encore c’est intrinsèque au mariage, susceptible d’être dissous, notamment par l’Eglise, s’il y a non-consommation.  Même chose pour les autres religions du Livre. Mais la république doit-elle considérer cet aspect ?

Fidélité et solidarité


Ce qui regarde la société laïque, c’est le libre choix d’individus de se lier, de s’engager à une solidarité complète, réciproque et à l’égard de la progéniture commune ou de chacun. De fait ce qui constitue les droits et devoirs qui lient aujourd’hui des époux dans le cadre du mariage. Dans leur totalité, y compris ce qui relève de la filiation, et peut-être même au-delà.

Dès lors ce contrat instituerait une solidarité qui règlerait toutes les implications sociales de l’union de ces individus, laissant la fidélité, et la sexualité, relever de leur choix privé. S’ils veulent se jurer fidélité éternelle, se promettre de ne jamais connaître quiconque autre charnellement – sublime engagement – ils ont toute latitude de le faire, Et de le proclamer urbi et orbi dans une cérémonie qui leur sied. S’ils veulent sanctifier cet engagement sous les auspices d’une religion et de ses rites, liberté complète. Que cette religion reconnaisse ou non la légitimité de ce couple (dans le cas où il serait de même sexe par exemple) est l’affaire de cette religion et de ses fidèles, pas de la république.

Car on l’a déjà compris, cette union basée sur la solidarité n’a plus à considérer le sexe des individus qui la contractent. La question n’a plus d’objet. La préférence sexuelle est reconnue pleinement comme il se doit en république, c'est-à-dire par l’indifférence.

Au-delà, cette union peut reconnaître le lien de solidarité de vie entre deux personnes qui n’ont aucune relation d’ordre sexuel mais partagent leur vie. Par exemple deux frères, ou un frère et une sœur. Rappelons nous, au moment de l’institution du PACS, cette possibilité avait été abordée, mais rejetée. Trop décoiffant, car PACS et sexe n’avaient pas été clairement dissociés. Mais c’était injuste. J’ai à l’esprit le cas d’un frère et d’une sœur restés célibataires, qui habitaient ensemble la maison familiale après le départ du reste de la fratrie. Le décès des parents aurait pu les chasser du bien familial, il n’en a rien été. Mais à la mort de la sœur, le frère s’est retrouvé à la rue, très âgé. Une union  protègerait le dernier vivant.

Si ces situations, souvent plutôt rurales, sont devenues moins nombreuses, faut-il pour autant les exclure, voire les décourager ?

Deux et plus


Conséquence aussi : rien ne justifie que l’union ne concerne que deux individus. Rien ne devrait interdire qu’elle unisse plusieurs individus pleinement consentants, j’avancerais jusqu’à cinq.

Certes, notre conception de la famille repose – et certainement reposera très longtemps encore, on peut même le souhaiter -  sur le couple formé de deux individus, partageant si possible de l’amour. Notons que cette dernière caractéristique est historiquement assez neuve. Notons aussi que ce n’est que très récemment que l’on commence à admettre que ledit couple peut aussi bien être formé d’individus de même sexe. Comme quoi tout ce qui semble évidence, allant de soi, est aussi historique et change avec le temps.

Si le couple amoureux est immensément majoritaire dans notre société et notre culture commune, s’il faut peut-être veiller à ce qu’il le reste, doit-il pour autant s’ériger en norme exclusive, et interdire toute autre forme d’union ?

Il n’est secret pour personne que cet impératif de couple n’a jamais empêché les liaisons, passagères ou non, stériles ou comblée d’enfants. La conséquence ? L’impératif du choix et de l’abandon, la vie dans le secret et dans la honte, le déchirement souvent, le drame parfois. Notre conception, très largement partagée, de la relation amoureuse sur le mode de l’avoir et de la possession (« Je suis à toi », « Tu m’appartiens ») implique l’exclusivité du sentiment amoureux, et de la relation sexuelle.. Comme si on ne pouvait aimer plusieurs fois, ou que consécutivement. Comme si tout amour n’était pas unique, différent, et qu’un individu ne pouvait jouer que sur un seul registre. Comme si le cœur était un gâteau qui ne pouvait que se partager, une énergie non renouvelable. La littérature du monde nous montre qu’il n’en est rien. Mais admettons cette conception largement partagée de l’exclusivité. Là encore la loi doit-elle en faire une norme ? S’immiscer pour interdire là où seule la sphère privée est concernée ?

On est d’ailleurs en pleine ambiguïté. Dès lors que l’adultère n’est plus un délit puni par la loi, que faire des liaisons hors mariages, qui ont des implications sociales en termes de biens et de personnes, les enfants notamment. La possibilité de reconnaissance de paternité  a ouvert une brèche dans la norme du couple. Pourquoi ne pas en tirer les conséquences ?

D’autres cultures, d’ores et déjà très représentées parmi nos citoyens, admettent que la famille puisse être multiple : polygame. C’est un sujet on ne peut plus sensible, clivant, qui suscite dès le mot prononcé des réactions passionnelles, irrationnelles. Pour avoir vécu en pays d’Islam très longtemps, pour avoir connu des tas de gens, écouté des tas d’amis, je me suis rendu compte que la question mérite nuances, mises en perspectives, appréhension des situations en contextes. Non pour approuver, mais pour ne pas se contenter de diaboliser. Considérer les faits, la vérité des relations sociales, sans généraliser hâtivement, au nom de principes brandis qui dissimulent mal des a priori douteux. Une seule question : quelle est la femme la mieux protégée de la seconde épouse d’un homme aimant et juste, ou de la maîtresse plus ou moins secrète d’un bourgeois XIXème, fût-il aussi  juste et attentionné ? Je vous renvoie là encore à notre littérature. Une anecdote : j’ai même connu une féministe qui avait choisi de devenir seconde épouse d’un homme intelligent pour garder une liberté que son célibat dans une société très machiste l’empêchait de goûter. Paradoxe.

Alors ouvrir l’union à plus que deux individus est-il antiféministe ? Du tout, dès lors que l’union associe des individus majeurs pleinement consentants – l’évolution de notre société permet aujourd’hui de penser que chacun peut se soustraire à des pressions, à des unions forcées. Et il est du ressort de la république d’aider ceux qui subiraient ces pressions. Dès lors aussi  qu’elle ne permet pas seulement la polygamie, mais toutes les associations d’individus : polyandrie, plusieurs individus de même sexe, deux couples, etc. Une femme peut ne pas vouloir choisir entre deux hommes, et ceux-ci s’accommoder parfaitement de ce partage. Un homme, ou une femme, peut souhaiter avoir une liaison forte avec quelqu’un du même sexe tout en ayant par ailleurs une famille classique dont le conjoint accepterait pleinement cette situation. Là encore, qu’il y ait relation sexuelle ou pas entre tous ou partie des membres de l’union n’est pas pertinent. Et s’il y a, elle ne peut être que librement consentie. Toute relation sexuelle forcée, au sein d’une union ou au dehors, doit être punie. Comme au sein d’un couple d’aujourd’hui, d’ailleurs. Là est le progrès, le gain de liberté : non dans la forme de l’union mais dans les principes éminents du consentement et de la liberté.

Je parlais de deux couples. Une anecdote encore. Enfant, j’avais pour voisins, qui habitaient ensemble, deux couples. Deux frères et leurs épouses, plus l’enfant d’un des couples, l’autre ne pouvant en avoir. L’un des maris naviguait au long cours, et était absent la plupart du temps. L’autre, à la marseillaise, était très peu à la maison.  Les deux femmes vivaient ensemble, couple classique, l’une l’autre grande, maigre, menait la barque, l’autre, petite boulotte rigolote suivait en  mettant la gaité. Si la petite était la mère biologique, c’est la grande qui assurait l’essentiel de l’éducation de l’enfant commun, de fait .Le destin a voulu que chacun vive vieux, quand l’enfant était largement majeure. Que les maris meurent d’abord, les femmes peu l’une après l’autre, que la dernière en vie ait pu rester dans l’appartement qui désormais appartenait à la fille. Mais qu’en serait-il allé s’il en avait été différemment ? Un contrat d’union aurait sécurisé chacun, alors que les deux mariages distincts rendaient cet équilibre précaire. Une union à quatre donc, où la morale était sauve, chacun avec sa chacune. On dira que cette situation est peu commune. Ca sent sa méditerranée, avec un parfum d’antan. Mais est-ce si sûr ? Même rare, pourquoi empêcher ? Sans encourager de tels cas de figure, ouvrir le champ de ce possible peut aussi rencontrer l’adhésion d’individus qui n’y pensaient même pas, tant l’absence de statut légal le rendaient impensable.

J’ai parlé de limiter à cinq membres la taille d’une union. Car il faut limiter. Une union reste un statut privé, une affaire d’individus, pas de groupes L’extension indéfinie tournerait à l’association, où à la secte. Pourquoi cinq ? comme ça, Pour ne pas en rester à deux couples, pour élargir les possibles, sans aller au n’importe quoi. Ou parce que les doigts de la main, s’il faut trouver un symbole.

Conclusion


Il s’agirait donc d’instituer une union universelle, dont les individus qui la contracteraient jouiraient des mêmes droits et devoirs à l’égard l’un à l’égard de l’autre ou des autres et de la société que ce qui existe actuellement entre deux individus mariés.

Un même individu ne pourrait participer à une seule union à la fois, même s’il pourrait à titre individuel être tenu par les conséquences civiles ou financières d’une union qu’il aurait contractée précédemment et dont il serait sorti.

Le mariage serait dès lors un des cas de figure de cette union, pour ceux qui souhaiteraient compléter cette union d’un engagement mutuel. Engagement qui pourrait ou non être pris devant les autorités civiles, pourquoi pas ? Et bien entendu liberté totale est conservé à quiconque souhaiterait sanctifier leur union auprès d’une Eglise ou d’une religion quelconque, ou d’une cérémonie non religieuse qui mettrait du rituel et de la solennité dans une vie qui en manque souvent.

On peut d’ailleurs imaginer qu’une union – ou une extension de l’union – soit célébrée par un officier d’état-civil, et non à la va-vite et presque furtivement chez un notaire ou un homme de loi.

Objections


J’entends de là les rares lecteurs qui n’ont pas encore fui horrifiés aiguiser d’innombrables objections. Abordons-en quelques-unes.

Une façon détournée d’accepter la polygamie ?


L’union ne serait-elle pas le cheval de Troie de la polygamie musulmane ? celle qui provoque tant de crispations, de passions échevelées, de fantasmes, car la polygamie consécutive, celle qui oblige à l’abandon d’une ou d’un pour passer à l’autre, tout en gardant souvent des liens forts – amicaux, financiers, liés à l‘éducation des enfants – est plus que fréquente. Elle contraint au choix, aux déchirements, à la cessation de la relation sexuelle, au conflit. Nous vivons de fait une situation, dans bien des cas, de polygamie ou polyandrie contrariée. Les règles sociales poussent au drame en contraignant à la stricte bigamie. Ou alors on s’accommode de solutions bancales, de bonheurs gâchés ou recouverts par le mensonge et l’hypocrisie. Le coming out tardif d’un de nos anciens présidents a ouvert une brèche, il convient de la formaliser.

Revenons aux musulmans, nos compatriotes, ou ceux qui vivent parmi nous. L’évolution des mœurs, des modèles sociaux, en particuliers les avancées vers l’égalité entre hommes et femmes font que leur immense majorité a intégré le couple comme l’idéal de vie commune. Garçons comme filles, en fait. Le véritable frein à la polygamie traditionnelle, ce n’est pas l’interdiction, c’est l’évolution des idées, l’émancipation, les valeurs de liberté et d’égalité. Il y a certes encore des polygames, résiduels, encore nombreux cependant, en particulier dans les populations récemment immigrées, originaires de régions souvent rurales et traditionnelles On a une épouse ici et l’autre ou les autres au pays. Ou on a plusieurs épouses ici, l’une officielle, les autres sans statut, vulnérables, répudiables ou abandonnables à merci, sans protection aucune. Voire avec un statut de mères isolées, qui permet de bénéficier de prestations que les épouses n’ont pas. La loi actuelle n’empêche pas la polygamie, elle rend simplement la vie compliquée et difficile et finit par pénaliser qui elle est censée protéger. Ou créer des situations d’aubaine et d’injustice. La solution n’est pas dans l’interdiction, mais dans la conviction, la diffusion des valeurs. Et le respect des règlements, dans leur esprit aussi.

Les enfants


Autre objection, les enfants, puisque l’union donne les mêmes droits et devoirs que le mariage actuel. Qu’adviendrait-il de l’équilibre d’enfants nés ou adoptés, élevés dans une union à la composition complexe ou selon certains bizarre ? Je m’en tiendrai là à ce qui est mon intime conviction que dès lors qu’un enfant bénéficie d’attention, de reconnaissance et d’amour dans un environnement serein, il a des chances de s’épanouir en un adulte équilibré. Admettons que c’est plus facile dans le cadre d’une famille constituée par un couple de sexe opposé. Mais combien d’enfants d’hétérosexuels souffrent de manquer de l’un ou l’autre de ces ingrédients ?

Les abus


Bien entendu, il pourra y en avoir, et d’ordres très divers, moins inhérents à l’union elle-même qu’à des détournements, qu’il conviendra de prévenir. Par exemple les unions de complaisance, pour des histoires d’intérêt ou pour faciliter l’installation sur le territoire. Cela existe déjà actuellement avec les mariages blancs et le PACS actuel. Comment faire la part des choses entre le légitime désir de deux (ou plusieurs) personnes d’unir leurs destins, et les fraudes de tous ordres ? Plusieurs moyens sont possibles, pour ces questions délicates. Cela ne relève pas en fait de l’union, mais des politiques de contrôle migratoire. Et des dispositions peuvent être trouvées qui concilient rigueur, liberté et justice. On peut ne pas lier automatiquement l’autorisation de séjour à la conclusion d’une union, la soumettre à des critères. On peut la conditionner au régime sous lequel l’union est souscrite : si elle implique la communauté des biens, celui qui la souscrit aura réfléchi à deux fois.

 Plutôt donc que débattre sur l’opportunité d’ouvrir le mariage aux homosexuels, il est préférable de reconsidérer le mariage, d’en écarter ce qui relève encore du religieux et de la conscience individuelle pour réserver cette dimension – éminemment respectable - à la sphère privée, et de s’en tenir à ce qui concerne le fonctionnement social. Bref, de faire encore un effort pour être républicain.
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[1] contribution au Monde du 18 mai intitulée « Un contrat universel à plusieurs plutôt qu’un mariage à deux, fût-il gay »


samedi 28 janvier 2012

Palmes

A son départ à la retraite, son principal au Collège Edgar Quinet avait fait savoir à Geneviève qu’il la proposerait pour être promue officier des Palmes académiques – chevalier elle l’était depuis après le Burundi, où l’ambassadeur avait voulu reconnaître le travail qu’elle avait accompli pour remettre sur pied l’Ecole Française de Bujumbura.
Une belle lettre est arrivée voici deux mois, signée du recteur. Restait la remise des insignes.
Le même principal a eu l’idée d’y procéder à l’occasion d’une cérémonie qu’il organisait au collège pour une remise de distinctions – un beau certificat plastifié – aux élèves de 4ème et 3ème qui avaient obtenu les félicitations pour leur réussite au premier trimestre.
Belle idée.   Les tables du CDI hâtivement poussées. Des rangées de chaises tout autour où s’installent avec timidité parents et bambins. Les collégiens pour la plupart restent plutôt debout derrière. Une diversité à l’envers. Les minorités visibles dans toute leur variété dominent puissamment. Une mère d’élève en grand voile gris souris de pied en cap, tout à l’heure ira recevoir le certificat de sa fille. A mon côté un couple de Comoriens échange avant que ça ne commence. Le fiston, je le saurai plus tard, est à quelques encablures. Au premier rang un homme déjà mûr, une grosse tête rasée, gabarit de lutteur, me remerciera plus tard pour ce qu’on a pu faire pour l’Afrique, appréciant que Geneviève ait cité Senghor, son premier président. Les jeunes se faufileront entre les chaises pour aller chercher leur récompense, rayonnants et gênés. Un petit vif ira bras écartés se dandinant comme celui qui vient de marquer un but, et reviendra en disant « Ca fait si longtemps que je le voulais » avant de crier, comme si on n’avait pas compris « Allez l’OM ».
Mais avant, derrière les tables, coincé contre les étagères, le principal avait appelé Geneviève pour la remise de sa décoration. Prudent : le risque était trop grand qu’après, l’attention, et le public, ne se dispersent. Paroles chaleureuses, fond touchant, mais foin de la forme ! Les formules rituelles n’y étaient pas. Pas d’« en vertu des pouvoirs qui me sont conférés …» (j’aime bien ce conféré, allez savoir). Pire, on avait ressorti la médaille de la première fois, celle de Lagos, de chevalier. Pas de rosette règlementaire, mais qu’importe ! L’important : ces jeunes qui eux-mêmes venaient se faire reconnaître méritants avaient les yeux écarquillés. Dans leur proximité aussi, avec des gens qui leur sont proches, se jouait une scène qu’ils ne voient qu’à la télé.

Alors si tout n’était pas dans les règles, l’épaisseur humaine était là, dans les mots, les présences. Le sens donné à la cérémonie, moins pour les acteurs, peu dupes de la vanité de ces démonstrations honorifiques, mais pour les spectateurs, placés devant un monde qu’ils ne savent pas être le leur, et pouvoir y prétendre.